Der Wirtschaftswissenschaftler Olivier Vallée zeichnet in der französischen Tageszeitung „Libération“ ein Landesportrait, das auf ein Abgleiten in einen regionalen Krieg hindeutet. Frankreich, die USA und nun auch die Vereinigten Arabischen Emirate haben im Niger ihre Militärbasen installiert, die auch als Abhörstationen und Geheimdienstzentren eine zentrale Rolle im gesamten Sahel einnehmen. Ein Militärjet der Vereinigten Arabischen Emirate soll es gewesen sein, das das libysche Internierungslager Tajouri am 03.07.2019 bombardiert hat. Söldner aus den verschiedensten Ländern seien inzwischen im Niger aktiv.

Transnationale Bevölkerung des Niger, in erster Linie die Toubou, sehen sich von den Haftar-Truppen in Libyen und deren Emirati-Militärunterstützung sowie vom französisch bewehrten Tschad-Regime nun auch im Niger eingekreist. Sie könnten sich bald in einer Situation wie die Peuls in Mali wiederfinden.

Das nigrische Militär, verwickelt in Migrationsbusiness, Ölschmuggel und Checkpoint-Einnahmequellen, steht im Antiterrorismus „on the ground“ in vorderster Linie und verzeichnet die größten Verluste. Von den antiterroristischen Informationen und Lagebildern der Franzosen, US-Amerikaner und der Vereinigten Arabischen Emirate sehen sie sich ausgeschlossen.

Hinzu kommen aus Libyen rückwandernde Sudanes*innen und andere muslimisch geprägte Migrationbewegungen. Im Unterschied zu den Eritreer*innen und Äthiopier*innen gelten die muslimischen nichtnigrischen Migrant*innen und Geflüchteten als Gefahr. Das vermittelt vor allem die EU. Sie haben keinerlei Chance auf Resettlement und sehen sich zunehmend „vorbeugend“-antiterroristisch ausgegrenzt. Im Lande breiteten sich Abschiebeknäste aus, in denen europäisches Lagerpersonal zirkuliert.

Olivier Vallée kolportiert den zirkulierenden Spruch, dass die im Niger stationierten Militärgroßmächte das Land nur als Flugzeugträger sähen. Eine Entwicklung hin zu einem Sahel-Krieg mit transnationalen Frontverläufen sei möglich.

Les militaires nigériens, supplétifs du complexe militaro-humanitaire dans le grand Sahel ?

Par Olivier Vallée, économiste
 
Le Niger risque de rentrer dans l’orbite de la guerre qui se mène en Libye entre le pouvoir en place à Tripoli et les troupes du maréchal Haftar. Une dérive inquiétante totalement minorée par les forces françaises et américaines, très présentes dans le pays.
 
Il y a deux semaines, à l’approche d’un sommet de l’Union africaine (1), le Niger a signé un accord pour l’installation sur son sol d’une base des troupes des Emirats arabes unis. Mohammed ben Zayed Al-Nahyane, 56 ans, le prince héritier d’Abou Dhabi, dirige le principal Etat de la fédération de ce pays. Il est le «parrain» devenu décisif du maréchal Haftar en Libye. Ce dernier mène une offensive malaisée contre le gouvernement libyen d’union nationale présidé par Fayez al-Sarraj, en place à Tripoli. Il a été accusé le 3 juillet d’être à l’origine du bombardement d’un camp de rétention de migrants sous contrôle du Haut Commissariat aux réfugiés (HCR) lors duquel au moins 40 personnes ont péri.

Avec cette nouvelle base émiratie, le Niger risque de fait de se retrouver intriqué dans le bourbier libyen, après celui du Mali. Ce qui ajoutera aux embarras des dynamiques dangereuses dans lesquelles il est engagé, des trafics de drogues et contrebandes, à la «guerre contre le terrorisme» et le blocage des voies d’immigration vers l’Europe. Mercenaires américains, africains et européens y complètent le dispositif de bases étrangères (2) et de camps de rétention installé à travers tout le pays. […]

La présence du complexe militaire étranger où s’encastrent à présent les Emirats arabes unis est contestée (3) par la population qui voit, outre l’intensification des embuscades et des attentats des groupes armés du Grand Sahel, l’enrôlement de jeunes Peuls (4) nigériens dans ces violences et la capitale exposée aux attentats. Les Touaregs et les Arabes nigériens – dont les représentants et les élites économiques et sociales font figure de privilégiés de la nomenklatura – ne contestent plus vraiment le système de trafics, passivement soutenu par l’armée et toléré par les contingents militaires étrangers indifférents et les diplomates, impuissants. L’Etat abandonne ainsi une bonne partie du territoire à ses contraintes économiques (ressources abondantes de pétrole de Zinder exploitées par les Chinois et effondrement de l’uranium de la ville d’Arlit abandonnée par Areva), à ses circulations illicites, à ses passeurs de migrants désespérés et à la paupérisation accélérée des pasteurs et des paysans. Le Niger doit aussi accueillir de plus en plus de réfugiés du Burkina et du Mali et compenser la vitrification de son territoire pour cause d’opérations d’éradication du terrorisme.

Aujourd’hui, la pression de l’armée d’Haftar au sud de la Libye pousse les Toubous qui sont opposés au président tchadien Idriss Déby depuis des années à retourner au Tchad où ils sont attaqués. Cet état de fait les force à se rallier aux brigades libyennes qui combattent Haftar. Les conflits ethniques au Tchad sont en train de prendre une tournure dramatique en se régionalisant. Les Toubous du Niger ne resteront pas indifférents au traitement que leurs homologues reçoivent en Libye et au Tchad et pourraient répéter chez eux la dissidence qui se manifeste chez les Peuls et réveiller la rébellion de certaines factions Touareg apparemment pacifiées par Niamey.

Fonction stratégique

Cette dégradation de la situation au Niger n’est pas prise en compte par les forces américaines et françaises présentes qui s’imaginent être sur un porte-avions d’où elles peuvent agir à distance. La fonction stratégique du Niger est en effet de leur servir de sanctuaire ainsi que de centre de renseignement et d’écoutes. Cet immense espace aux confins de l’Algérie et du Bénin offre un site multipolaire d’observation aérienne en mesure de surveiller, outre le Sahel, la Libye, le lac Tchad et le Nigeria.

Mais ce pays doit devenir aussi le sas de décontamination des émigrés qui reviennent de Libye et la pompe de refoulement de ceux qui continuent de le traverser pour tenter d’accéder à la relative aisance du Maghreb, en attendant l’accès à la Méditerranée. C’est là sa deuxième vocation qu’entrevoyait bien Macron en 2017, misant en définitive sur le président Mahamadou Issoufou dont il ne félicitait pourtant pas la bonne gouvernance. L’Union européenne adhère à ce schéma de blocage des flux migratoires et de création de sites de renvoi des «rapatriés» de Libye. L’UE a ainsi imaginé la mission civile d’appui aux forces de sécurité intérieure et à la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée – nommée EUCAP Sahel Niger – dont le but est de «soutenir l’interopérabilité des forces de sécurité nigériennes et aider à développer leurs stratégies opérationnelles.»

Multiplication des centres de rétention

L’UE va décider unilatéralement de modifier la mission d’EUCAP Sahel Niger en y intégrant la prévention de l’immigration illégale. Ainsi, d’une logique de coopération au développement et de renforcement des capacités sécuritaires et militaires de l’Etat nigérien, on passe à une logique de lutte contre l’immigration clandestine par la volonté européenne. A défaut d’avoir pu rendre effectif le dessein migratoire de l’accord de Cotonou, l’UE va l’incorporer à sa mission civile d’appui aux forces de sécurité intérieure et à la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Cependant la multiplication des centres de rétention, qui gonfle les rentrées d’argent du Haut Commissariat aux réfugiés et de l’Organisation internationale des migrations, et suscite la mobilisation par rotations de centaines de jeunes européens comme personnel humanitaire, ne se fait pas sans heurts. Ainsi parmi les Soudanais arrivés à Agadez en 2017, fuyant les combats et l’esclavage en Libye, certains sont soupçonnés d’appartenir à des groupes armés. Pour des raisons sécuritaires, aucun pays européen ne veut de leur présence sur son sol. C’est le cas aussi d’autres Soudanais à Niamey, mais aussi de jeunes combattants libériens, tchadiens et maliens qui reviennent de Libye e,n espérant obtenir des papiers et s’installer au Niger. L’UE et la France créent un réservoir de troubles avec ces «réfugiés» qui pour des raisons culturelles et en raison de leur image de violence ne sont pas assimilés dans la société nigérienne qui a l’habitude pourtant de la présence de Togolais, de Ghanéens (5) ou de Nigérians. Rien ne se fait pour la formation de la jeune population du Niger et de plus en plus les nomades n’ont d’autre recours que les armes, pris entre l’amoindrissement des pâturages et l’insécurité des déplacements. Des «projets concrets» (6) pour le développement de ce pays très pauvre, annoncés par Macron en 2017, très peu ont été réalisés malgré l’attention de l’ambassadeur Jean-Marc Chataigner pour le Sahel.

Le Niger rentre donc dans l’orbite de la guerre qui se mène pour dépecer une fois de plus la Libye avec le conflit de tranchée entre le pouvoir en place à Tripoli et l’offensive de Haftar. On peut imaginer l’enlisement de ce conflit et une contagion à tout le Sahel avec son cortège de violences et d’insurrections. […] Pour l’instant les militaires nigériens subissent de lourdes pertes avec des capacités réduites de mobilité et très peu d’informations provenant de leurs «alliés» occidentaux sur les positions ennemies comme sur leurs déplacements. Les alliés occidentaux du Niger n’ont pas confiance et craignent les fuites. Pourtant les soldats du Niger concentrent sur eux les attaques des insurgés et des miséreux de l’intérieur, ce qui épargne pour l’instant les civils, à la différence du Mali. Mais les guerres contre le terrorisme entraînent toujours des exactions contre les civils et les militaires nigériens. Supplétifs du système de lutte contre l’immigration et de sauvetage du Mali, les soldats de Niamey y perdront aussi la confiance de leur peuple.

(1) Niamey, 24 juin (Xinhua) – Le Niger est fin prêt pour une organisation réussie du 33e sommet de l’Union africaine (UA), prévu du 4 au 8 juillet, selon le directeur général de l’agence chargée de l’organisation, Mohamed Saïdil Moctar. Cinq jours durant, la capitale nigérienne va abriter, outre ce grand rendez-vous, un sommet sur l’entrée en vigueur de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) et une réunion de coordination des réformes de l’institution, ainsi que plusieurs autres rencontres programmées en marge du principal événement. (Dont militaires, avec la présence de ministres français, NDLA)

(2) D’après le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité (GRIP), la France dispose, à ce jour, de quatre bases militaires au Niger : à Niamey, à Aguelal et Madama, près des frontières algérienne et libyenne, et à Diffa au sud. Toutes ces bases militaires françaises font partie du dispositif Barkhane. Parmi ces bases, celle de Niamey, avec 500 hommes, fait office de « hub aérien » avec des avions de chasse Mirage 2000, des appareils de transport et des drones.

(3) Des centaines d’étudiants ont manifesté le 25 mai à Niamey pour dénoncer la présence des bases militaires étrangères au Niger qui pour eux, n’apportent aucune plus-value aux forces de défense locales dans la lutte contre le terrorisme.

(4) Les Peuls sont un peuple transfrontalier de 30 millions de personnes, dont de nombreux nomades pasteurs en transhumance régionale ou internationale.

(5) Voir Jean Rouch

(6) Une enveloppe de 400 millions d’euros a été promise par Paris pour la période 2018-2021.

(7) Voir Olivier Vallée, La société militaire à Madagascar, une question d’honneur(s), la partie de comparaison avec l’armée nigérienne.

(8) Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix : programme initié par la France dans le milieu des années 1990 et qui bénéficie depuis 1997 du soutien de la plupart des nations occidentales dont les Etats-Unis et la Grande-Bretagne grâce à l’initiative P3 (coordination des programmes de coopération militaire en Afrique afin d’optimiser leurs actions).

Olivier Vallée économiste

Libération | 05.07.2019

Niger ist kein Flugzeugträger – der kommende Krieg