Eine Delegation des Europarats hat im März 2018 die Lage Geflüchteter in und um die spanischen Enklaven Ceuta und Melilla untersucht. Gestützt auf diesen Bericht, fordert der Europarat Spanien auf, in diesen beiden Enklaven das Recht auf Asyl zu respektieren und auf „heiße Abschiebungen“ – auf die Abschiebungen von Zaunkletterern durch Zauntüren zurück nach Marokko, ohne individuelle Anhörung – vollständig zu verzichten. Diesem jetzt veröffentlichten Bericht kommt besondere Bedeutung angesichts der spanischen Kollektivabschiebung von 116 Zaunkletterern von Ceuta nach Marokko am 23.08.2018 zu. Wir veröffentlichen hier den vollständigen Bericht des Europarats.

Europarat | 03.09.2018

Documents d’information

SG/Inf(2018)25


Rapport de la mission d’information
effectuée par l’Ambassadeur Tomáš Boček,
Représentant spécial du Secrétaire Général sur les migrations et les réfugiés, en Espagne du 18 au 24 mars 2018

Table des matières

RÉSUMÉ

  1. CONTEXTE DE LA MISSION
  2. RENCONTRES ET VISITES
  3. LA SITUATION À MELILLA ET CEUTA
    3.1.      Empêcher l’accès au territoire
    3.2.      Expulsions sommaires
  1. ACCÈS À LA PROCÉDURE D’ASILE
    4.1.      À la frontière
    4.2.      En rétention
    4.3.      Procédure régulière
  1. ACCUEIL
    5.1.      Centres de séjour temporaire pour migrants
    5.2.      Centres d’accueil pour réfugiés
  1. RESTRICTIONS À LA LIBRE CIRCULATION
  2. RÉTENTION EN ATTENTE D’EXPULSION
    7.1.      Remarques générales
    7.2.      Durée de la rétention
    7.3.      Assistance d’un avocat et d’un interprète
    7.4.      Traitement
    7.5.      Conditions de vie
  1. ENFANTS NON ACCOMPAGNÉS
    8.1.      Hébergement
    8.2.      Détermination de l’âge
    8.3.      Tutelle
    8.4.      Passage à l’âge adulte
  1. QUESTION D’INTÉGRATION
    9.1.      Demandeurs d’asile et réfugiés
    9.2.      État de santé des migrants en situation irrégulière
    9.3.      Emploi
    9.4.      Intégration sociale et culturelle
  1. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Annexe – Programme

RÉSUMÉ

L’Espagne est un pays clé de destination et de transit sur la voie migratoire de l’ouest de la Méditerranée et, au total, 89 982 migrants et réfugiés sont arrivés dans ce pays par voie de mer ou de terre depuis le début de la crise migratoire en 2014. Se trouvant en première ligne des arrivées en Europe, l’Espagne a été confrontée ces trois dernières années à de nombreux défis complexes, qui sont aggravés par le fait que les frontières des villes autonomes de Melilla et Ceuta sont les seules frontières terrestres de l’UE situées sur le continent africain.

Les politiques migratoires de l’Espagne se caractérisent par des efforts constants visant à enrayer les flux d’immigration irrégulière, à étendre les capacités de traitement et d’accueil des demandeurs d’asile, à renvoyer les migrants non autorisés dans leur pays d’origine, notamment en établissant des partenariats avec des pays d’origine et de transit comme le Maroc, et à assurer l’intégration des réfugiés dans la société espagnole. Étant donné l’importance politique de ces questions et les investissements qui seront requis dans un avenir proche pour financer les politiques de prévention de l’immigration illégale aux frontières extérieures de l’UE et en dehors d’elles, ainsi que les politiques de renvoi des migrants en situation irrégulière dans leur pays d’origine, la situation en Espagne est particulièrement utile pour comprendre les défis que ces politiques doivent relever et leurs implications sous l’angle des droits de l’homme.

La question de l’accès des migrants et des réfugiés à Melilla et à Ceuta illustre les difficultés que présente l’application du principe de non-refoulement, qui est la pierre angulaire du droit international des droits de l’homme et constitue un élément essentiel des obligations contractées par les États membres au titre de l’article 2 (droit à la vie) et de l’article 3 (interdiction de la torture) de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Les étrangers qui tentent d’entrer à Melilla et à Ceuta en franchissant les clôtures disposées le long de la frontière terrestre de ces deux villes et sont interceptés à la frontière ou à proximité de celle-ci sont renvoyés de manière aléatoire au Maroc sans avoir été identifiés, sans que leurs besoins soient examinés et sans avoir la possibilité de déposer une demande d’asile. Cette situation perdure malgré les mesures positives adoptées par les autorités espagnoles pour mettre en place des bureaux de demande d’asile à Melilla et à Ceuta. En revanche, les enfants non accompagnés âgés de moins de 18 ans qui réussissent à franchir la frontière d’une façon irrégulière sont placés dans des établissements de protection de l’enfance de ces villes autonomes et se voient offrir la possibilité d’obtenir le statut de résident de longue durée en Espagne.

La gestion des flux migratoires mixtes soulève divers défis complexes pour lesquels il n’existe pas de solutions bien tranchées. Néanmoins, il est possible d’adopter des mesures permettant de concilier tous les objectifs légitimes apparemment contradictoires, à savoir le contrôle et le maintien de la sécurité des frontières, d’une part, et la protection des droits fondamentaux des migrants et des réfugiés dans le plein respect des normes du Conseil de l’Europe, d’autre part. Le renforcement des contrôles mis en place à la frontière extérieure de l’UE à Melilla et à Ceuta est compréhensible au vu de la situation géographique particulière de ces villes. Cependant, il convient de veiller au respect des obligations internationales fondamentales en matière de droits de l’homme : en vertu de ces obligations, toute personne arrivant en Espagne doit être protégée contre le refoulement ou l’expulsion collective et avoir accès véritablement à une procédure de demande d’asile efficace et équitable. Cela est essentiel pour garantir effectivement le droit de demander asile et empêcher que ce droit ne soit ramené à une simple possibilité théorique.

Les questions relatives à l’accueil des migrants à Melilla et à Ceuta montrent clairement les difficultés objectives que pose l’endiguement des flux migratoires dans une région particulière d’un pays. Les demandeurs d’asile qui se trouvent à Melilla et à Ceuta ne peuvent se déplacer librement dans l’Espagne continentale où ils sont transférés de manière sélective, souvent après avoir passé plusieurs mois dans des centres d’accueil qui hébergent en général un nombre de personnes excédant leurs capacités et où les conditions de vie sont moins favorables que dans les centres d’Espagne continentale. L’hébergement des enfants non accompagnés dans les villes autonomes est particulièrement préoccupant, car ces enfants sont accueillis dans des établissements fortement surpeuplés. Pour réduire l’incitation à l’immigration irrégulière, ces enfants ne sont pas autorisés à se rendre en Espagne continentale avant l’âge de 18 ans, âge à partir duquel ils reçoivent un permis de séjour et peuvent continuer à vivre de façon autonome dans le pays. Même s’il est nécessaire d’obliger les migrants et les réfugiés à demeurer dans les villes autonomes de Melilla et de Ceuta pendant le délai requis pour assurer leur enregistrement et leur accès à la procédure d’asile, chercher à contenir les flux migratoires dans ces deux villes pendant de longues périodes ne saurait constituer une politique durable étant donné les capacités d’accueil limitées dont elles disposent.

Le renvoi dans leur pays d’origine des demandeurs d’asile déboutés et des migrants en situation irrégulière constitue un défi principal pour l’Espagne, notamment à cause des difficultés liées à l’identification de ces personnes et à l’obtention d’un document de voyage de leur pays d’origine en vue de leur réadmission effective dans ce pays. Comme de nombreux autres pays européens, l’Espagne recourt à la rétention des migrants en situation irrégulière afin d’assurer l’exécution des arrêtés d’expulsion. Cette politique n’est pas en elle-même incompatible avec l’article 5 de la CEDH mais, étant donné que le taux d’expulsion se situe à un niveau moyen et que les migrants en situation irrégulière sont remis en liberté à l’issue de la période maximale de rétention de six mois, voire avant dans certains cas, une réflexion s’impose sur l’efficacité de la rétention en tant qu’outil de gestion de l’immigration irrégulière. Le renvoi effectif des migrants en situation irrégulière constitue un défi non seulement pour l’Espagne mais aussi pour l’ensemble de l’UE puisque ceux d’entre eux qui n’ont pas droit à la protection internationale et ne peuvent être rapatriés dans leur pays d’origine peuvent circuler librement dans les pays de l’UE.

Malgré les efforts importants engagés par les autorités espagnoles pour renforcer les capacités des organes chargés de l’examen des demandes d’asile, un fort arriéré de demandes d’asile subsiste en Espagne et les procédures d’asile souffrent fréquemment de retards, ce qui place les personnes ayant besoin d’une protection internationale dans une situation précaire. Cependant, les conditions matérielles d’accueil dans les centres d’hébergement de demandeurs d’asile et de réfugiés que nous avons visités en Espagne continentale, ainsi que l’aide offerte pour l’apprentissage de l’espagnol et l’acquisition de diverses compétences, qui est très appréciée par les demandeurs d’asile et les réfugiés, méritent d’être louées. La scolarisation des enfants est également un indicateur positif de l’insertion sociale des migrants et des réfugiés en Espagne. En revanche, l’accès des demandeurs d’asile et des réfugiés au marché de l’emploi demeure un défi. L’intégration sociale et culturelle des migrants et des réfugiés est inégale dans les différentes régions d’Espagne. Toutefois, un certain nombre de bonnes pratiques existent, par exemple l’organisation d’activités de sensibilisation dans les écoles, l’établissement de partenariats avec des entreprises pour faciliter la formation et l’emploi des réfugiés, ainsi que la création de centres pour favoriser l’insertion sociale des réfugiés et des migrants en situation irrégulière au moyen d’activités de formation, d’aide à l’apprentissage de l’espagnol et de la participation à divers programmes culturels.

1.            CONTEXTE DE LA MISSION

Le nombre de migrants et de réfugiés arrivant en Espagne a fortement augmenté ces trois dernières années, atteignant 16 263 en 2015 ; 14 094 en 2016 et 28 346  en 2017. Ces personnes provenaient de différents pays, notamment la Syrie, l’Afrique du Nord – en particulier le Maroc et l’Algérie – ainsi que les pays sub-sahariens déchirés par des conflits. Les migrants et les réfugiés arrivent en Espagne principalement de deux façons : en entrant par voie de mer ou de terre dans l’une des villes autonomes de Melilla et Ceuta situées en Afrique du Nord ou en franchissant la Méditerranée pour atteindre l’Espagne continentale. Le nombre des arrivées pendant la première moitié de 2018 était 20 218.

Comme de nombreux autres pays européens exposés en première ligne à des arrivées massives, l’Espagne est confrontée à des flux mixtes de réfugiés et de migrants économiques. Ces flux soulèvent de défis majeurs aux autorités espagnoles qui doivent concilier, d’une part, leurs responsabilités en matière de contrôle des frontières, de protection de la sécurité nationale et de lutte contre la criminalité et, d’autre part, leurs obligations du point de vue des droits de l’homme de protéger les réfugiés et de traiter tous les migrants, quel que soit leur statut, avec humanité et dignité. La gestion de flux migratoires mixtes est une tâche très complexe qui nécessite une intervention pluridimensionnelle prenant en compte le contexte particulier du pays, y compris son emplacement géographique, et pouvant s’adapter à des situations qui ne cessent d’évoluer, en demeurant pleinement ancrée dans le respect impératif des droits de l’homme et de l’État de droit.

C’est dans ce contexte que j’ai entrepris une mission d’information en Espagne, avec un double objectif : premièrement, identifier de quelle façon le Conseil de l’Europe pourrait soutenir l’Espagne à résoudre les difficultés décrites ci-dessus et, deuxièmement, poursuivre ma contribution à la sensibilisation et au développement de la réflexion au sein du Conseil de l’Europe sur les moyens d’assurer la prise en compte systématique de la protection des droits de l’homme dans les processus complexes de gestion des migrations. 

Lors de cette mission, j’étais accompagné de ma conseillère juridique, Mme Elvana Thaçi, et de ma chargée de programme, Mme Janeta Hanganu.

Je tiens à remercier les autorités espagnoles pour leur coopération lors de notre mission.

2. RENCONTRES ET VISITES

Au cours de notre mission, nous avons rencontré le sous-secrétaire de l’Intérieur, ainsi que des représentants de l’Office des demandeurs d’asile et des réfugiés (Oficina de Asilo y Refugio, OAR), le secrétaire général de l’immigration et de l’émigration, l’ambassadeur chargé d’une mission spéciale sur les questions migratoires et la directrice du service des Espagnols de l’étranger et des questions migratoires et consulaires au ministère des Affaires étrangères et de la Coopération, des représentants du ministère de la Santé et du ministère de l’Éducation, de la Culture et du Sport, des procureurs de la chambre des étrangers, le médiateur, le maire de Málaga, le maire de Valence et le vice-président du Conseil de la Généralité valencienne[1].

Nous nous sommes aussi entretenus avec des représentants du HCR et de l’UNICEF en Espagne. Nous avons en outre rencontré plusieurs avocats et ONG qui apportent assistance et conseils aux réfugiés et aux migrants[2].

Nous avons visité des centres de séjour temporaire pour étrangers et des centres pour enfants non accompagnés dans les villes autonomes de Melilla et de Ceuta, ainsi que des centres d’accueil à Valence et Madrid.Nous avons également visité des centres de rétention pour migrants à Murcie et Madrid.

Le programme de la mission d’information figure en annexe.

3. LA SITUATION À MELILLA ET CEUTA
3.1. Empêcher l’accès au territoire

Les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière pénètrent dans les villes autonomes de Melilla et de Ceuta en franchissant les frontières terrestres et maritimes. La frontière terrestre de Melilla est constituée par une triple clôture de douze kilomètres de long ; les clôtures externe et interne ont une hauteur de six mètres et la clôture du milieu est de forme tridimensionnelle qui est une structure plus basse de câbles d’acier attachés aux bâtons. L’ensemble de la clôture est équipé de capteurs de détection des mouvements du côté extérieur. En cas de détection de mouvements, la Guardia Civil notifie les autorités marocaines qui, de leur côté, empêchent fréquemment des personnes en territoire marocain de franchir les clôtures. Ceuta est également entourée d’une double clôture de huit kilomètres de long ; les clôtures externe et interne, d’une hauteur de six mètres, sont distantes de quatre mètres afin de permettre à un véhicule de circuler entre elles. Elles sont équipées de dispositifs anti-escalade et de systèmes de détection des mouvements (caméras et caméras thermiques). La Guardia Civil assure aussi la surveillance maritime de la frontière espagnole autour de Ceuta. En cas de détection de navires de migrants se dirigeant vers les eaux espagnoles, la Guardia Civil notifie la marine royale du Maroc qui intercepte fréquemment des migrants avant qu’ils franchissent la frontière et les renvoie au Maroc.

J’ai attiré précédemment l’attention sur les pratiques impliquant l’échange d’informations entre la police des frontières et les autorités compétentes d’un pays voisin lorsque des personnes sont soupçonnées de chercher à franchir illégalement une frontière, et sur les mesures prises ultérieurement par les autorités du pays voisin pour intercepter des migrants et des réfugiés avant le passage de la frontière. J’ai souligné les questions que soulèvent ces pratiques au regard du droit de demander l’asile et du respect du principe de non‑refoulement[3]. Il est légitime que, dans l’exercice de leur droit d’empêcher le franchissement illégal des frontières et de prévenir et combattre les activités criminelles transfrontières, les États membres du Conseil de l’Europe coopèrent avec les pays voisins,
y compris par l’échange d’informations pertinentes. Toutefois, les États membres sont tenus en principe d’exercer une vigilance adéquate au regard des droits de l’homme dans le cadre de cette coopération. Ils doivent tenir compte de la situation dans les pays voisins et s’abstenir de partager des informations avec eux ou de leur demander d’intercepter des individus avant le passage de la frontière lorsqu’ils savent, ou devraient savoir, que les personnes interceptées seront exposées en conséquence à un risque réel de torture ou d’être traitées d’une manière inhumaine ou dégradante, et ne pourront obtenir une protection dans les pays voisins[4].

3.2. Expulsions sommaires

Aux termes de la loi espagnole 4/2000 sur les droits et les libertés des étrangers en Espagne et leur intégration sociale (la loi relative aux étrangers), les ressortissants de pays tiers qui tentent de franchir illégalement, y compris les personnes interceptées à la frontière ou à proximité de celle-ci, peuvent se voir refuser l’accès ou être refoulées afin d’empêcher leur entrée illégale en Espagne.[5] La Guardia Civil nous a expliqué que des étrangers tentent quotidiennement de franchir les clôtures marquant la frontière, mais qu’ils ne le font plus en groupes nombreux comme cela se produisait fréquemment en 2016 et 2017. Aussi bien à Melilla qu’à Ceuta, lorsque des étrangers tentent d’escalader les clôtures, la Guardia Civil n’intervient que s’ils réussissent à passer la clôture intérieure. Le plus souvent, les étrangers se blessent en franchissant les clôtures. C’est la raison pour laquelle les autorités ont signé avec la Croix‑Rouge un protocole de coopération prévoyant la fourniture d’une aide médicale immédiate aux étrangers interceptés.

La Guardia Civil nous a indiqué que les étrangers qui franchissent les clôtures sont généralement violents et ne cherchent pas à entrer en communication avec les autorités mais à leur échapper. La Guardia Civil ne cherche pas non plus à communiquer avec les étrangers. Par conséquent, aucune demande de protection internationale n’est exprimée par les étrangers pendant ou après qu’ils franchissent les clôtures. Peu après avoir reçu l’aide de la Croix-Rouge, ils sont renvoyés au Maroc à travers des portes spéciales réparties le long de la frontière mais distinctes des postes-frontières. Les étrangers ne peuvent avoir accès à un interprète, à un avocat ou aux bureaux de demande d’asile situés aux postes-frontière. En outre, ils sont renvoyés au Maroc sans avoir été identifiés, ni enregistrés.

Dans un arrêt de Chambre, la Cour européenne des droits de l’homme a constaté que le renvoi immédiat au Maroc de migrants originaires de pays d’Afrique sub-saharienne qui tentaient d’entrer à Melilla en escaladent les clôtures entourant la ville a constitué une expulsion collective et a conclu qui il y avait eu une violation de l’article 4, Protocole no 4 et de l’article 13 de la CEDH combine avec l’article 4 du Protocole no 4.[6] Cette affaire a été envoyée devant la Grande Chambre de la Cour.[7]

En vertu des articles 2 et 3 de la CEDH, les États membres du Conseil de l’Europe doivent s’abstenir de renvoyer une personne dans son pays d’origine ou dans un autre pays vers lequel le renvoi doit être effectue ou dans tout autres pays vers lesquels la personne serait ultérieurement envoyée lorsqu’il existe de solides raisons de penser que cette personne serait ainsi exposée à un risque véritable pour sa vie ou au risque réel d’être soumise à la torture et à d’autres formes de mauvais traitement. Conformément au principe de non-refoulement consacré par l’article 33 de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, ainsi que de la jurisprudence pertinente de la Cour européenne des droits de l’homme[8], les États sont tenus d’examiner les migrants interceptés afin d’identifier les personnes ayant besoin d’une protection, d’évaluer ce besoin et de permettre aux personnes concernées d’avoir accès aux procédures d’asile.

Bien que la loi espagnole relative aux étrangers contienne une disposition exigeant de manière générale que les renvois décrits ci-dessus soient effectués conformément aux normes internationales des droits de l’homme, en pratique la Guardia Civil ne s’est pas encore dotée d’un règlement sur l’examen des étrangers franchissant illégalement la frontière à Melilla et à Ceuta de manière à fournir à ses agents des directives sur l’identification des personnes qui requièrent une protection internationale et sur les mesures nécessaires pour assurer leur accès à une procédure d’asile équitable et efficace.Divers organes – parmi lesquels le Commissaire aux droits de l’homme[9], le CPT[10] et le HCR[11] – ayant appelé depuis plusieurs années à l’émission de telles directives, il est aujourd’hui nécessaire que l’Espagne prenne des mesures en ce sens. Le Conseil de l’Europe pourrait apporter son expertise spécifique dans le domaine des droits de l’homme pour assurer que les directives pertinentes interdisent les expulsions sommaires, le refoulement et les expulsions collectives, et prévoient les garanties procédurales requises pour l’accès à une procédure d’asile équitable et efficace.

4. ACCÈS À LA PROCÉDURE D’ASILE

Toute personne cherchant à obtenir une protection internationale en Espagne doit déposer une demande formelle auprès des autorités compétentes. Si la personne qui demande l’asile se trouve à un aéroport, à un port de mer ou à une frontière terrestre, elle doit déposer une demande formelle auprès de l’autorité chargée du contrôle des frontières. Si elle se trouve déjà sur le territoire espagnol, elle doit déposer une demande formelle auprès de l’OAR, dans un Centre de rétention des étrangers (Centro de Internamiento de Extranjeros, CIE) ou dans un commissariat de police. La recevabilité et le bien-fondé des demandes déposées aux frontières et dans les CIE sont évalués en un délai plus court que les demandes déposées à l’intérieur du territoire espagnol, qui sont examinées conformément à la procédure régulière. Cependant, les garanties procédurales concernant la présence d’un interprète et l’aide juridique qui s’appliquent aux demandes déposées aux frontières ou dans les CIE sont identiques à celles prévues dans la procédure régulière.

4.1. À la frontière

Au poste-frontière de Beni Enzar à Melilla, nous avons été informés que les personnes qui franchissent légalement la frontière pour demander l’asile sont principalement des Syriens, des Palestiniens, des Algériens ou des ressortissants d’autres pays d’Afrique du Nord. Rendez-vous leur est donné pour un entretien préliminaire avec des agents du ministère de l’Intérieur dans un délai de deux ou trois jours, et pas plus tard que neuf jours, à compter du moment où ils expriment l’intention de demander l’asile. L’enregistrement des demandes d’asile et les entretiens préliminaires ont lieu dans des locaux réservés à cet usage à côté du poste-frontière de Beni Enzar[12]. Au moment de notre visite, environ 700 demandes d’asile avaient été enregistrées en 2018. L’OAR à Madrid se prononce généralement sur la recevabilité d’une demande dans les 48 heures qui suivent son enregistrement[13]. Le taux de recevabilité est élevé puisqu’il atteint 90 %[14]. Une fois reconnue sa recevabilité, le bien-fondé d’une demande d’asile est examiné de manière prioritaire dans un délai de trois mois, aux termes de la procédure d’asile régulière (voir plus loin section 4.3)[15]. Au poste-frontière d’El Trajal à Ceuta, les autorités espagnoles nous ont indiqué qu’aucune demande d’asile n’avait été déposée depuis 1993.

Un certain nombre de rapports signalent que les personnes provenant d’Afrique sub‑saharienne sont en fait empêchées de se présenter aux postes-frontières ordinaires, notamment à Melilla (voir plus haut section 3.1)[16]. Elles ne peuvent par conséquent avoir accès à la procédure d’asile. Selon les autorités espagnoles, si les personnes originaires d’Afrique sub-saharienne ne peuvent atteindre la frontière, cela serait dû notamment au flux important de personnes pratiquant des formes de « commerce atypique » qui traversent tous les jours la frontière pour entrer à Melilla et en sortir[17]. Tout en comprenant la difficulté des autorités espagnoles à gérer de tels flux, je ne suis pas convaincu que cela explique pourquoi les personnes provenant d’Afrique sub-saharienne ne peuvent atteindre la frontière espagnole. Dans l’incapacité d’accéder légalement et en toute sécurité au territoire espagnol, ces personnes, femmes et jeunes enfants y compris, se tournent vers des réseaux criminels organisés, se cachent dans des voitures ou embarquent sur des radeaux pour pénétrer dans les villes autonomes de Melilla et de Ceuta, s’exposant ainsi au risque d’être victimes de la traite des êtres humains, de violences ou d’abus sexuels. Il est ainsi important que les autorités espagnoles donnent aux personnes ayant besoin d’une protection internationale la possibilité d’accéder au territoire espagnol en toute sécurité afin de pouvoir déposer une demande d’asile, en prenant dûment en compte les recommandations du GRETA sur les mesures de contrôle à mettre en place aux frontières pour détecter et prévenir la traite des êtres humains dans le contexte de l’augmentation des migrations[18].

4.2. En rétention

Les migrants en situation irrégulière placés dans un CIE dans l’attente de leur expulsion ont la possibilité de déposer une demande d’asile dont la recevabilité[19] et le bien-fondé sont examinés de façon prioritaire, tout comme les demandes déposées à la frontière.Parmi les personnes placées dans le CIE de Sangonera la Verde (Murcie), entre 25 et 30 % ont déposé une demande d’asile. Dans le CIE d’Aluche (Madrid), le nombre de demandes d’asile déposées en 2018 (130) est nettement moins élevé qu’en 2017 (354). Lorsqu’un migrant placé dans un centre de rétention exprime le souhait de demander l’asile, généralement au moyen d’un courrier déposé dans la boîte à lettres spéciale du CIE, sa demande est enregistrée lors d’un entretien avec un policier du CIE sur la base d’un questionnaire établi par l’OAR. Un interprète et un avocat du barreau local sont présents pendant cet entretien. L’OAR se prononce sur la recevabilité de la demande dans un délai de 72 heures. Si la demande est jugée recevable, la personne concernée peut sortir du CIE et l’examen sur le fond a lieu dans un délai de trois mois, conformément à la procédure régulière (voir plus bas section 4.3). Si l’OAR juge la demande irrecevable, une demande de réexamen peut être déposée auprès de l’Office dans un délai de 48 heures ; en cas de nouvelle décision d’irrecevabilité, un recours – sans effet suspensif automatique – peut être déposé auprès du tribunal administratif.

Les autorités espagnoles nous ont indiqué, sans toutefois nous donner des données précises, que le taux de recevabilité des demandes d’asile et d’octroi de l’asile parmi les personnes placées dans un CIE est très faible.Il semblerait qu’il y avait une opinion sous-jacente parmi les officiers de la police nationale selon laquelle les migrants en situation irrégulière qui sont placés en rétention dans l’attente de leur expulsion abusent de la procédure d’asile[20]. Pourtant, lors des discussions à l’intérieur des deux CIE, nous avons observé que les migrants ne souhaitaient pas demander l’asile. Les ressortissants du Maroc et de l’Algérie ont déclaré que leur demande d’asile ne pourrait aboutir, compte tenu de l’expérience antérieure de leurs compatriotes. D’autres migrants, pour la plupart originaires d’Afrique sub‑saharienne, ne voyaient pas l’intérêt de déposer une demande d’asile.[21] Néanmoins, les migrants placés dans un centre de rétention devraient être informés de façon claire et adéquate. Nous avons eu l’impression que certains migrants ne savaient pas ce que signifie demander l’asile en Espagne et ignoraient les effets que pourrait avoir une demande d’asile sur leur statut légal en Espagne. On notera à cet égard que, ces dernières années, des préoccupations ont été exprimées, notamment par le médiateur espagnol, au sujet du caractère inadéquat de l’information sur la procédure d’asile fournie aux personnes placées dans un CIE[22].

4.3. Procédure régulière

Les migrants qui arrivent en Espagne continentale par bateau ou par d’autres moyens sont normalement emmenés par la police nationale au commissariat de police le plus proche afin d’établir leur identité.[23] Ils peuvent être retenus dans ces locaux pendant une période maximum de 72 heures[24]. S’ils demandent l’asile, un entretien a lieu pour enregistrer leur demande en présence d’un avocat du barreau local et d’un interprète. Cet entretien doit être mené par un agent de l’OAR. Cependant, pendant la période récente, à cause du nombre des arrivées, la police nationale a dû mener elle‑même ces entretiens à l’intérieur des commissariats de police. L’OAR doit se prononcer sur la recevabilité des demandes d’asile dans un délai d’un mois. La Commission interministérielle sur les demandeurs d’asile et les réfugiés[25] décide ensuite, sur proposition de l’OAR, du bien-fondé de chaque demande dans un délai de six mois ; cette décision est rendue sous l’autorité du ministre de l’Intérieur. La décision de recevabilité et la décision sur le fond peuvent toutes deux faire l’objet d’un recours administratif devant le ministère de l’Intérieur ; seule la décision de rejet sur le fond peut donner lieu à un recours judiciaire. Ces différents recours sont sans effet suspensif automatique.

Les autorités espagnoles n’étaient pas préparées pour les arrivées massives de demandeurs d’asile et de réfugiés en 2017. À Málaga, des avocats locaux et des ONG nous ont déclaré que les nouveaux arrivants n’ont pas toujours été informés dans une langue comprise d’eux ou sous une forme adaptée à leur niveau d’instruction de leurs droits et des moyens d’accéder à la procédure d’asile. De plus, bien souvent, les rendez-vous aux fins des entretiens nécessaires pour officialiser les demandes d’asile ont été fixés à une date tardive, parfois jusqu’à un ou deux mois après l’arrivée des demandeurs d’asile. À Madrid, des ONG nous ont également indiqué que l’entretien des demandeurs d’asile avec des agents de l’OAR avait lieu plus de six mois après qu’ils aient exprimé la volonté de demander l’asile. Les demandeurs d’asile se trouvent par conséquent dans une situation très précaire, car ils ne peuvent avoir accès au système d’accueil et ne peuvent bénéficier des prestations liées au statut de demandeur d’asile. Lors de nos discussions avec le médiateur espagnol, le HCR et les ONG, il nous a été indiqué qu’un nombre élevé de demandeurs d’asile, estimé à 8 000, attendent, souvent dans la misère ou dans des conditions de vie précaires, que soit fixée la date de leur entretien à partir de laquelle leur demande pourra être officiellement enregistrée.

Des avocats locaux nous ont aussi informés que, dans certains cas, les policiers chargés des entretiens avec les réfugiés ou les migrants – qui sont arrivés en grand nombre ces deux dernières années, notamment par bateau en Andalousie – pour officialiser leur demande cherchent explicitement à les dissuader de déposer une demande d’asile.À Málaga, des avocats locaux et des ONG nous ont déclaré que, lors des entretiens menés dans les commissariats de police ou les locaux des ports d’arrivée, l’interprétation était fournie uniquement en anglais et en français et était parfois de mauvaise qualité. En outre, les migrants et les réfugiés n’ont pu avoir systématiquement accès à une aide juridique ou ils ont pu y avoir accès seulement à une étape tardive du processus. Néanmoins, les capacités d’enregistrement et de traitement des demandes d’asile de la police nationale s’améliorent à un rythme remarquable, comme l’ont reconnu différents acteurs, dont le médiateur espagnol.

Le processus de décision relatif aux demandes d’asile est souvent plus long que la période de six mois prévue par la loi. Il en résulte un arriéré de demandes d’asile en instance auprès de l’OAR. Au moment de notre visite, plus de 40 000 demandes d’asile étaient en instance. Les retards sont dus principalement aux capacités institutionnelles de l’OAR qui, malgré une augmentation du personnel ces deux dernières années, a de grandes difficultés à répondre  aux besoins. En outre, un grand nombre de dossiers en instance sont de nature complexe et présentent des difficultés du point de vue de l’établissement des faits ou de l’analyse de la situation dans le pays d’origine des demandeurs. Les demandeurs provenant de pays sub‑sahariens sont obligés d’attendre plus longtemps la décision sur leur demande[26], car la priorité semble être donnée aux demandes des ressortissants syriens ou des personnes qui se trouvent dans une situation vulnérable.

La durée de la période d’attente et la lenteur du processus de décision sur leur demande place les demandeurs d’asile dans une situation d’incertitude et les expose au risque de tomber dans la misère ou d’être victimes de l’exploitation ou de la traite des êtres humains. Les autorités espagnoles sont conscientes de ces problèmes et s’efforcent de résorber l’arriéré des demandes d’asile, notamment en renforçant les capacités de l’OAR.

5. ACCUEIL

À Melilla et à Ceuta, les demandeurs d’asile sont hébergés dans des Centres de séjour temporaire pour migrants (Centros de estancia temporal de inmigrantes, CETI).En Espagne continentale, les demandeurs d’asile sont hébergés dans des Centres d’accueil pour réfugiés (Centros de acogida de refugiados, CAR), ainsi que dans des centres d’accueil ou des appartements gérés par des ONG.

5.1. Centres de séjour temporaire pour migrants

Les étrangers admis dans les territoires de Melilla et de Ceuta sont placés dans les 72 heures qui suivent leur arrivée dans des CETI conçus à l’origine pour héberger les migrants en situation irrégulière, pour la plupart des hommes célibataires, qui arrivaient dans les villes autonomes. Les CETI sont gérés par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, qui est responsable du réseau national d’accueil et d’hébergement des migrants et des réfugiés en Espagne. Au moment de notre visite, les CETI hébergeaient à la fois des demandeurs d’asile et des migrants en situation irrégulière dans l’attente de leur transfert vers l’Espagne continentale, période pouvant aller de deux mois à plus d’un an comme cela était le cas de quelques-unes des personnes que nous avons rencontrées dans ces centres. Les CETI sont des centres semi‑ouverts où s’appliquent certaines restrictions d’accès pendant la nuit[27].

Au moment de notre visite, les deux CETI de Melilla et de Ceuta étaient remplis au maximum de leurs capacités et les normes d’hébergement étaient inadéquates[28]. Les familles n’étaient pas logées séparément ; souvent, des mères et des enfants de différentes familles étaient logés ensemble dans un espace assez réduit. Les personnes avec lesquelles nous nous sommes entretenus n’ont pas exprimé de préoccupations particulières au sujet des conditions matérielles d’hébergement dans les deux CETI. Cependant, nous avons pu observer au cours de notre mission que les normes de ces centres étaient bien inférieures à celles des centres d’accueil des demandeurs d’asile en Espagne continentale, notamment en ce qui concerne le surpeuplement.

Le surpeuplement continu des CETI soulève de graves inquiétudes quant à l’exposition des femmes et des enfants à des risques de violence et d’exploitation. ÀCeuta, les autorités chargées de la gestion du CETI nous ont indiqué qu’elles soupçonnaient que la plupart des jeunes femmes provenant d’Afrique sub-saharienne hébergées dans le centre étaient des victimes de la traite des êtres humains. Malgré la présence de huit travailleurs sociaux et d’une psychologue qui aident entre autres à identifier les victimes de la traite dans ce CETI, il est très rare que des femmes se déclarent victimes de la traite. Comme recommandé par le GRETA, les autorités espagnoles devraient veiller à adopter des mesures proactives pour détecter les victimes de la traite parmi les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière, en prévoyant un temps suffisant pour recueillir l’information nécessaire et en tenant compte du fait que ces personnes ont subi un traumatisme. Le personnel des CETI devrait recevoir une formation à l’identification des victimes de la traite et aux droits de ces personnes[29].

Les activités proposées à l’intérieur des CETI se résument principalement aux cours d’enseignement primaire pour enfants et aux cours d’espagnol fournis par des ONG. Des ateliers de développement professionnel pour adultes étaient organisés au CETI de Melilla. Nous avons appris que 64 des 180 enfants hébergés dans le CETI de Melilla vont à l’école locale. À Ceuta, on nous a indiqué également que les enfants se rendent dans les écoles locales pendant la durée de leur séjour au CETI mais nous n’avons pu obtenir d’informations plus précises sur leur taux de scolarisation. Les chiffres de fréquentation scolaire semblent assez bas, car la plupart des enfants sont censés séjourner dans le centre seulement de manière temporaire. Toutefois, en pratique, la durée de leur séjour dans un CETI peut être de plusieurs mois, voire supérieure à un an. Il serait donc nécessaire de mettre en place des dispositions durables pour assurer l’inscription des enfants dans les écoles locales et leur fréquentation régulière, en tenant compte de leur âge et leurs besoins en termes de développement. 

D’une manière générale, les autorités espagnoles devraient faire en sorte que les CETI de Ceuta et de Melilla présentent des normes identiques, en termes de conditions de vie, d’éducation, de soins de santé, de cours de langue et de formation auxquels ont droit les demandeurs d’asile, à celles des centres d’accueil de l’Espagne continentale, comme décrit ci-dessous.

5.2. Centres d’accueil pour réfugiés

Les personnes qui demandent l’asile à leur arrivée en Espagne continentale sont maintenues dans les locaux de la police pendant une durée de 72 heures maximum aux fins de l’enregistrement de leur demande. Elles sont ensuite hébergées dans des centres d’accueil pour réfugiés (CAR) ou dans des appartements gérés par des ONG[30]. Les CAR et les centres gérés par des ONG fonctionnent sous l’autorité du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Au cours de notre visite, des ONG nous ont informé que, pendant les deux dernières années,notamment en cas d’arrivée de groupes très nombreux par bateau, des demandeurs d’asile ont été transférés directement depuis les locaux de la police vers des centres de rétention (voir aussi plus loin section 7) et non vers des centres d’accueil. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale a reconnu que cela s’était produit plusieurs fois dans le passé, mais nous a indiqué qu’il travaillait à l’élaboration de directives spéciales sur les mesures à prendre en cas d’arrivées en grand nombre (plus de 500 personnes), notamment en vue de l’insertion immédiate dans le système d’accueil.

Au moment de notre visite, la plupart des demandeurs d’asile étaient hébergés dans des centres d’accueil et des appartements gérés par des ONG telles que la Croix-Rouge, la Commission espagnole d’aide aux réfugiés (CEAR) et l’Association Commission catholique espagnole pour les migrations (ACCEM) sur la base d’accords avec le ministère du Travail et de la Sécurité sociale qui leur apporte un financement. Les centres que gèrent des ONG peuvent accueillir 7 300 personnes et les centres gérés par l’État 416 personnes. Tous les centres doivent offrir des conditions de vie et des services d’un niveau identique défini dans un manuel du ministère du Travail et de la Sécurité sociale sur la prestation de ces services. Le ministère contrôle l’application de ces normes dans les centres gérés par des ONG.

Nous avons visité le CAR de Mislata à Valence et celui d’Alcobendas à Madrid. Le premier centre hébergeait 105 demandeurs d’asile, parmi lesquels de nombreux Syriens venus en Espagne via le programme de réinstallation de l’UE. Le centre d’Alcobendas hébergeait 82 demandeurs d’asile originaires du Venezuela, de la Syrie, de l’Ukraine, de l’Érythrée et de la Colombie[31]. Nous avons été très favorablement impressionnés par les conditions matérielles d’accueil dans ces deux centres. L’unité familiale était systématiquement respectée. Les demandeurs d’asile avaient accès aux soins de santé dans des dispensaires locaux généraux ou spécialisés. Les enfants de tous âges étaient inscrits dans des écoles locales. Des cours d’espagnol et de formation à l’informatique étaient organisés régulièrement dans les deux centres. Dans le centre de Mislata, des cours de formation professionnelle à la cuisine et à la coiffure et, en principe, d’autres formations à différents métiers pouvaient être organisés en cas de demande suffisante parmi les demandeurs d’asile. Une formation spéciale à la recherche d’un emploi était proposée dans le centre d’Alcobendas. Un psychologue, un médiateur culturel et un travailleur social apportaient un soutien spécialisé aux demandeurs d’asile dans les deux centres. Le soutien psychologique est particulièrement important pour identifier les victimes de la traite des êtres humains et les aiguiller sur les services d’aide ; le cas s’est produit plusieurs fois dans le centre d’Alcobendas. Tous les demandeurs d’asile et les réfugiés avec lesquels nous nous sommes entretenus dans les CAR se sont déclarés satisfaits des conditions de vie dans ces centres et ont exprimé leur gratitude pour l’aide que leur apportent les autorités espagnoles, en reconnaissant que ces centres étaient bien gérés.

6. RESTRICTIONS À LA LIBRE CIRCULATION

Bien que Melilla et Ceuta fassent toutes deux partie de la zone Schengen, les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière hébergés dans les CETI qui souhaitent se déplacer vers et/ou hors de l’Espagne continentale ne peuvent le faire sans autorisation de la police nationale[32]. Le transfert de demandeurs d’asile des villes autonomes vers des centres d’accueil en Espagne continentale est effectué sous l’autorité du ministère du Travail et de la Sécurité sociale. Les migrants en situation irrégulière qui n’ont pas demandé l’asile sont transférés par la police nationale vers des centres de rétention en Espagne continentale (voir aussi plus loin section 7). La sélection des demandeurs d’asile pour le transfert en Espagne continentale repose généralement sur les critères suivants : leur date d’arrivée (les premiers arrivés étant les premiers transférés), le degré de vulnérabilité de leur situation, l’achèvement d’une procédure de soins éventuelle, le regroupement des familles séparées dans les CETI[33] et les places disponibles sur le continent.

Les restrictions imposées à la liberté de circulation des demandeurs d’asile depuis les villes autonomes de Melilla et de Ceuta vers d’autres régions d’Espagne sont difficilement justifiables au regard de l’article 2 (Liberté de circulation) du Protocole no 4 à la CEDH. Au cours de notre visite, nous n’avons pu obtenir d’informations sur le cadre réglementaire restreignant la liberté de circulation des demandeurs d’asile. Comme indiqué plus haut, les conditions de vie des demandeurs d’asile dans les CETI de Melilla et de Ceuta sont d’un niveau inférieur à celles observées dans d’autres régions espagnoles (voir section 5.1). Les restrictions imposées à la liberté de circulation risquent par conséquent d’entraîner le séjour prolongé de certains demandeurs d’asile dans les CETI. Cette situation soulève également des préoccupations en termes de discrimination de ces demandeurs d’asile, puisqu’en Espagne continentale, la liberté de circulation des demandeurs d’asile n’est soumise à aucune restriction. Un autre facteur éventuel de discrimination concerne la nationalité des demandeurs d’asile qui sont transférés en Espagne continentale depuis les CETI. L’impression qui prévalait parmi les demandeurs d’asile avec lesquels nous nous sommes entretenus est que, dans les deux CETI, les Syriens étaient transférés en priorité, alors que les demandeurs d’asile d’autres nationalités, en particulier les Algériens et les Marocains, séjournaient plus longtemps, parfois plusieurs mois, dans les villes autonomes de Melilla et Ceuta.

Sans vouloir sous-estimer la nécessité de gérer les transferts de Melilla et de Ceuta vers l’Espagne continentale en tenant compte des capacités du système d’accueil espagnol, il serait souhaitable que les autorités espagnoles prennent des dispositions pour faire en sorte que ces transferts soient organisés de manière transparente, en tenant dûment compte de l’article 2 du Protocole no 4 à la CEDH et en expliquant les raisons justifiant le traitement préférentiel ou distinctif de certains demandeurs d’asile.

7.  RÉTENTION EN ATTENTE D’EXPULSION
7.1. Remarques générales

Les migrants qui entrent sur le territoire espagnol à Melilla ou à Ceuta ou qui arrivent de façon irrégulière en bateau sur les côtes d’Espagne sont normalement conduits par la police nationale au commissariat de police le plus proche. Les migrants qui ne cherchent pas à obtenir la protection internationale peuvent être placés en rétention en vue de leur expulsion pour violation de la loi sur les étrangers, du fait en particulier de leur présence sur le territoire espagnol sans papiers ou permis adéquats, ou pour mise en danger de l’ordre public ou participation à des activités migratoires illégales pour une période maximale de 72 heures[34]. Un juge peut ordonner la rétention d’un migrant si celui-ci ne peut être expulsé par les autorités dans les 72 heures suivant l’émission de l’arrêté d’expulsion pertinent[35]. La rétention peut également être ordonnée par un juge dans le cas où un migrant ne quitte pas le territoire national dans le délai fixé dans l’arrêté d’expulsion émis par le délégué ou le sous-délégué du gouvernement. Les migrants ayant été condamnés pour une infraction pénale peuvent aussi être placés en rétention sur ordre d’un juge en vue de leur expulsion dans les cas où le Code Pénal permet de substituer un arrêté d’expulsion à l’exécution d’une peine d’emprisonnement de un à six ans.

Dans tous les cas décrits ci-dessus, les migrants sont placés en rétention dans un CIE. Nous avons visité le CIE de Sangonera La Verde à Murcie et le CIE d’Aluche à Madrid. Le premier, d’une capacité de 138 places, accueillait 80 hommes. La majorité d’entre eux étaient originaires d’Algérie et d’Afrique sub-saharienne et quelques-uns venaient du Maroc, de la Libye, de la Roumanie et de l’Ukraine. Le CIE d’Aluche, d’une capacité de 240 places, accueillait 136 migrants, dont huit femmes. Ce centre est normalement réservé aux personnes ayant commis une infraction pénale et qui ont été frappées d’expulsion en remplacement de leur peine. Cependant, depuis peu, desmigrants arrivés en Espagne par bateau, principalement des Algériens, des Marocains et quelques personnes originaires de pays d’Afrique sub-saharienne, sont également placés dans ce centre.

Dans le CIE d’Aluche, nous avons été informés que la rétention peut être remplacée, sur décision d’un juge, par d’autres mesures telles que le retrait du passeport d’un migrant et l’obligation pour lui de se présenter régulièrement devant la police. Ces autres mesures ont été appliquées dans 20 % des cas. Une fois prises les dispositions nécessaires pour l’expulsion d’un migrant, celui-ci est placé en rétention dans des locaux spéciaux à l’intérieur d’un CIE 72 heures avant son expulsion.

Les enfants accompagnés ou non ne sont pas placés en rétention administrative. Lorsqu’un étranger sans papiers placé en rétention déclare être mineur, les policiers doivent avertir le procureur compétent, qui ordonne que soit appliquée une procédure pour déterminer son âge. Si la procédure montre que la personne concernée est un mineur, des mesures sont prises immédiatement pour assurer son transfert vers les services sociaux compétents. Les autorités nous ont déclaré qu’aucun enfant non accompagné n’était présent dans les deux CIE que nous avons visités. Cependant, au cours de notre visite, des ONG nous ont indiqué que, pendant les deux dernières années, des enfants migrants non accompagnés avaient parfois été placés en rétention parce que les procédures utilisées pour déterminer leur âge étaient défectueuses (voir plus loin section 8.2) ou parce que les autorités espagnoles n’étaient pas préparées à faire face à des arrivées massives[36].

7.2. Durée de la rétention

Conformément à la législation espagnole, la période de rétention d’un migrant en vue de son expulsion ne doit pas dépasser 60 jours.Lorsqu’une expulsion ne peut avoir lieu ou que les autorités jugent impossible de l’organiser pendant ce délai, un migrant est libéré du CIE. La durée de rétention moyenne dans le centre d’Aluche était de 30 à 40 jours et de 24 jours dans les autres centres selon les informations fournies par les autorités. Les organisations de la société civile s’inquiètent du fait que les autorités placent en rétention des migrants en situation irrégulière, en particulier des migrants originaires de pays d’Afrique sub-saharienne, dont il est clair qu’ils ne pourront être expulsés à cause des difficultés bien connues que pose leur rapatriement, liées à l’absence d’accords bilatéraux avec les pays d’origines de ces personnes. Toutefois, le ministère de l’Intérieur a cherché à rassurer notre délégation en déclarant que, pendant la période de rétention, tous les efforts nécessaires étaient faits, en coopération avec les ambassades des pays d’origine des migrants, pour les aider à obtenir un document de voyage et exécuter la procédure de rapatriement pertinente. Le taux d’expulsion dans le centre d’Aluche se situait entre 40 et 50 %. Danscertains cas, les autorités ont libéré des personnes placées en rétention avant l’achèvement du délai de 60 jours car il apparaissait clairement que les efforts engagés en vue de leur expulsion ne pourraient aboutir.

7.3. Assistance d’un avocat et d’un interprète

La majorité des migrants placés en rétention avec lesquels s’est entretenue notre délégation ont déclaré avoir été retenus par la police avant d’être transférés dans un CIE et avoir eu accès à un avocat et à un interprète. Cependant, les représentants d’ONG et les avocats que nous avons rencontrés à Málaga nous ont décrit sous des angles divers certains événements récents, notamment lors des arrivées massives de migrants par bateau en novembre 2017, à l’occasion desquels des centaines de migrants ont été placés dans la prison d’Archidona. L’interprétation dans les commissariats de police aurait alors été assurée uniquement en anglais et en français et aurait été de mauvaise qualité. Les avocats auraient eu aussi fréquemment du mal à entrer en contact avec les migrants, en particulier lorsqu’ils se trouvaient dans la prison d’Archidona.

7.4. Traitement

Dans les deux CIEs que nous avons visités, les personnes avec lesquels nous avons parlé, n’ont pas fait état d’allégations de mauvais traitement. Les autorités du centre de Sangonera la Verde ont indiqué que des cas de violence entre migrants, ou de violence contre des policiers, ayant nécessité une intervention des forces de l’ordre s’étaient produits dans le passé. Tous les cas d’usage de la force par la police ou de placement temporaire d’un migrant dans une cellule d’isolement à la suite de comportements violents ont été notifiés au juge compétent exerçant des pouvoirs de contrôle. Les personnes placées en rétention pouvaient également communiquer leurs plaintes au juge précité en utilisant une boîte à lettres spéciale ouelles pouvaient également déposer une plainte auprès du directeur du CIE ou bien à l’encontre de policiers en se servant d’autres boîtes à lettres distinctes.

7.5. Conditions de vie

La conception et l’aménagement de l’établissement de CIE d’Aluche donne l’impression d’un environnement carcéral[37]. Comme le nombre de personnes placées dans ces centres était inférieur à leurs capacités, l’occupation des chambres ne dépassait pas le niveau acceptable. Les chambres du centre de Sangonera la Verde comportaient des fenêtres de petite taille équipées de barreaux qui ne permettaient pas un accès suffisant à la lumière naturelle. Elles étaient équipées d’un système d’appel pour permettre l’accès aux toilettes aux heures de fermeture des chambres. Les chambres du centre d’Aluche permettaient un plus grand accès à la lumière naturelle et étaient équipées de toilettes individuelles. Néanmoins, certains de nos interlocuteurs se sont plaints du froid dans les chambres ; la délégation a constaté lors de sa visite qu’il faisait froid dans les chambres et dans les pièces communes. Dans le CIE de Sangonera la Verde, nous n’avons observé et n’avons été informés d’aucune activité de loisirs ou autre dans les aires communes, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur du bâtiment ; les personnes placées en rétention passaient la plupart de leur temps assises en groupes ou à déambuler dans le centre. Dans le CIE d’Aluche nous avons parlé à un groupe de femmes qui nous ont expliqué que du papier de bricolage leur étaient fournis en tant que loisir.[38]

En ce qui concerne les soins de santé, deux médecins travaillent à tour de rôle dans le centre de Sangonera la Verde et un médecin et une infirmière sont présents tous les jours dans le centre d’Aluche entre 8 heures et 22 heures. En cas d’urgence médicale pendant la nuit, les policiers appellent une ambulance. Les consultations de spécialistes ont lieu normalement en dehors du CIE. Cependant, nous n’avons pu obtenir d’informations précises sur la fréquence de ces consultations dans la période récente. Dans le centre d’Aluche, quatre travailleurs sociaux et trois médiateurs apportent aide sociale et soutien aux migrants, en particulier sous forme de médiation culturelle en cas de conflit entre eux. On nous a indiqué que plusieurs cas de soupçons de traite des êtres humains concernant principalement des femmes originaires d’Afrique sub-saharienne ont été signalés à la police.

La plupart des personnes placées en rétention avec lesquelles nous nous sommes entretenus nous ont indiqué avoir gardé le contact avec les avocats qui leur ont apporté une aide juridique lorsqu’elles étaient détenues par la police ou lorsqu’elles ont comparu devant le juge ayant ordonné leur rétention. Certaines d’entre elles ont indiqué que, bien que trouvant leur rétention injustifiée puisqu’elles n’avaient commis aucun délit, elles n’envisageaient pas de déposer un recours, ayant l’espoir d’être libérées à la fin de la période maximum de 60 jours, la procédure d’expulsion n’ayant pas abouti.

Dans le centre d’Aluche, les migrants en situation irrégulière cohabitent avec des personnes ayant été condamnées pour une infraction pénale dont la peine a été commuée en expulsion. Les personnes retenues avant leur expulsion doivent être placées dans des centres spécifiquement conçus à cet effet.[39]Les remarques ci-dessus s’appliquent également à la cohabitation entre demandeurs d’asile et migrants en situation irrégulière dans les deux centres que nous avons visités. Bien que les demandes d’asile déposées par des migrants placés en rétention fassent l’objet d’une procédure accélérée les demandeurs d’asile devraient être logés séparément des migrants qui n’ont pas déposé une demande de protection internationale[40].

8. ENFANTS NON ACCOMPAGNÉS
8.1. Hébergement

Les enfants qui arrivent à Melilla et à Ceuta non accompagnés d’adultes sont hébergés dans des centres spéciaux pour la protection de l’enfance[41]. Au moment de notre visite, le centre « La Purísima » de Melilla, d’une capacité de 350 places, accueillait 535 garçons.Dans certains dortoirs de très petite taille, une trentaine de garçons dormaient côte à côte dans des lits serrés les uns contre les autres ; la fenêtre était très petite et ne permettait pas une aération convenable ni un accès suffisant à la lumière naturelle. Dans d’autres pièces, les garçons dormaient sur des matelas posés à même le sol. Les dortoirs étaient fermés à clé pendant les heures d’école ou d’autres activités dans le centre. La plupart des enfants hébergés dans le centre étaient originaires du Maroc et de pays d’Afrique sub-saharienne. Le surpeuplement était aussi manifeste dans le centre « La Esperanza » pour enfants non accompagnés à Ceuta, où les enfants dormaient dans des pièces très petites, souvent remplies au double de leur capacité, sur des matelas posés à même le sol. Certaines parties de ce centre étaient en cours de rénovation au moment de notre visite.

Les autorités régionales, qui sont responsables de la gestion de ces centres, ont reconnu la gravité des problèmes de surpeuplement et appelé à la mise en œuvre de mesures internationales telles que le rapatriement des enfants non accompagnés auprès de leur famille dans leur pays d’origine.Tout en reconnaissant les difficultés rencontrées par les autorités dans la gestion de cette forme particulière de migration irrégulière, il convient de souligner que la situation actuelle en matière d’hébergement des enfants non accompagnés soulève certaines questions au regard de l’article 3 de la CEDH. Les autorités espagnoles devraient donc prendre immédiatement des mesures pour veiller à ce que ces enfants soient hébergés dans des conditions adéquates.

Notre délégation n’a recueilli aucune plainte d’enfants au sujet de la quantité ou de la qualité de l’alimentation. Il est positif de noter en outre que les enfants non accompagnés suivent régulièrement l’enseignement des écoles locales de Melilla et de Ceuta et se mêlent ainsi aux enfants locaux.

Une question préoccupante aussi bien à Melilla qu’à Ceuta est le nombre d’enfants non accompagnés qui vivent dans les rues. Les autorités régionales de Melilla pensent qu’une centaine d’enfants non accompagnés vivent dans la zone du port et tentent fréquemment d’embarquer sur les navires qui assurent la liaison avec l’Espagne continentale. Dans la zone portuaire de Ceuta, nous avons rencontré un groupe d’une dizaine de garçons non accompagnés, dont certains étaient manifestement des mineurs, qui tentaient d’escalader la clôture du port. Ces garçons nous ont indiqué qu’ils vivaient dans la rue depuis des mois, certains même depuis plus d’un an, et survivaient grâce à l’aide alimentaire et sanitaire de l’ONG espagnole ACCEM. Leur seul but était de réussir à embarquer sur un ferry à destination de l’Espagne continentale. La situation des enfants qui vivent dans la rue à Melilla et à Ceuta est extrêmement préoccupante au regard de l’article 3 de la CEDH. Ces enfants sont exposés à des risques de violence, d’abus sexuels et de violence sexuelle,  de l’exploitation et de traite des êtres humains. Des mesures devraient être prises pour assurer leur prise en charge par le système national de protection de l’enfance.

En Espagne continentale, les enfants migrants non accompagnés sont hébergés dans des centres de protection de l’enfance avec les enfants espagnols confiés à la tutelle des autorités régionales. À Valence, les autorités régionales sollicitent activement le concours de la population locale afin de réussir à placer les enfants non accompagnés de 13 ou 14 ans dans des familles d’accueil. Une campagne de sensibilisation sur le thème « Notre famille fait mieux : elle accueille et se développe » a été organisée principalement en direction des femmes et des familles musulmanes afin de favoriser l’intégration sans heurt des enfants migrants non accompagnés d’origine musulmane. Malgré la lenteur du processus de placement des enfants dans des familles d’accueil, cette pratique mérite d’être soulignée comme un moyen potentiel d’assurer la pleine insertion des enfants non accompagnés dans les sociétés d’accueil.

Les efforts déployés pour éviter la ségrégation des enfants migrants non accompagnés en Espagne continentale sont tout à fait louables.Cependant, la situation est très différente à Melilla et à Ceuta. Les difficultés spécifiques que pose la gestion des migrations dans ces deux villes autonomes sont faciles à comprendre, mais elle ne saurait justifier la différence de traitement des enfants non accompagnés. C’est pourquoi nous encourageons les autorités espagnoles à mettre en œuvre dans les différentes régions d’Espagne des politiques identiques pour l’hébergement des enfants non accompagnés.

8.2. Détermination de l’âge

Les procédures de détermination de l’âge sont régies par le Règlement-cadre pour les mineurs étrangers non accompagnés d’octobre 2014[42]. En vertu de ce règlement, en cas de doute au sujet de l’âge d’un étranger, le Bureau du Procureur général peut, sur notification d’un organe national ou local des services de répression ou d’une institution locale, ordonner que soit appliquée une procédure de détermination de l’âge.Cette procédure comprend des examens médicaux, notamment une radiographie du poignet, des molaires inférieures ou de la clavicule. Les médecins décident eux-mêmes au cas par cas quels examens médicaux sont les mieux indiqués.À l’issue de la procédure, le Bureau du Procureur général émet une ordonnance établissant l’âge du sujet et, s’il est considéré d’âge mineur, celui-ci est placé sous la tutelle des autorités régionales compétentes. L’ordonnance elle‑même ne peut être contestée devant les tribunaux[43] mais ses effets le peuvent, notamment pour remettre en cause la levée de la tutelle sur un enfant ou pour requérir son placement sous la tutelle des autorités de protection de l’enfance.

Lors de notre rencontre avec des représentants du Bureau du Procureur général, nous avons abordé plusieurs problèmes soulevés par des organes internationaux[44], ainsi que certaines préoccupations exprimées par des ONG, en particulier au sujet de l’application de la procédure de détermination de l’âge à des étrangers porteurs de pièces d’identité attestant du fait qu’ils étaient mineurs, de décisions manifestement arbitraires de la part de médecins[45], de l’impossibilité pour les personnes faisant l’objet d’une procédure de détermination de l’âge d’être entendues avant l’émission d’une ordonnance statuant sur leur âge, de l’absence d’aide juridique pendant la procédure de détermination de l’âge, de l’absence d’accès effectif aux tribunaux et aussi de plusieurs cas dans lesquels des enfants non accompagnés auraient été placés en rétention dans un CIE. Les arguments mis en avant pour nier la véracité des faits à l’origine de ces préoccupations ne nous ont pas convaincus. Les enfants maintenus en dehors du système de protection risquent d’être victimes de violence, d’exploitation et d’abus sexuels et de la traite des êtres humains. Étant donné les conséquences irréversibles qui pourraient en résulter pour leur bien‑être et leur développement, j’encouragerais les autorités espagnoles à intervenir de manière proactive pour enquêter sur les préoccupations soulevées par les organes internationaux et les ONG et y remédier, en assurant effectivement le respect des principes de présomption de minorité et la protection des droits d’enfant et de l’intérêt supérieur de l’enfant.

8.3. Tutelle

Les personnes non accompagnées qui sont identifiées ou déclarées mineurs à la suite d’une procédure de détermination de l’âge sont automatiquement placées sous la tutelle des autorités régionales compétentes.Lorsque la procédure de détermination de l’âge conclut qu’un étranger sans papiers doit êtreconsidéré comme adulte, la personne concernée peut, comme indiqué plus haut, requérir d’être placée sous tutelle devant les tribunaux. Cependant, la procédure judiciaire est parfois longue, la décision de justice pouvant même intervenir dans certains cas après que le requérant a atteint l’âge de la majorité[46]. Dans l’attente de cette décision, celui-ci se trouve sans protection et sans soutien. En Andalousie, en outre, des ONG nous ont indiqué que des enfants ayant presque atteint l’âge de la majorité (entre 17 et 18 ans) ne sont pas placés sous la tutelle des autorités régionales, ce qui fait qu’ils ne peuvent obtenir ultérieurement un permis de résidence en Espagne (voir aussi plus loin section 8.4).

Outre leurs responsabilités en matière d’hébergement, de soutien social, d’accès à l’éducation et de soins de santé des enfants non accompagnés, les autorités régionales sont tenues d’informer ces enfants de leur droit de demander la protection internationale, et de nommer un représentant pour les assister pendant la procédure d’asile et agir en leur nom.Depuis plusieurs années, le nombre de demandes d’asile déposées par des enfants non accompagnés est très faible[47]. Une explication possible notamment en ce qui concerne Melilla et Ceuta peut être la spécificité des projets migratoires de nombreux enfants non accompagnés. Au cours des entretiens que nous avons eus avec des enfants hébergés dans les centres « La Purísima » et « La Esperanza », il nous est apparu que, d’une manière générale, ces enfants ne fuyaient pas des situations où leur vie ou leur bien-être étaient en danger. Ils étaient arrivés en Espagne avec un projet migratoire précis : obtenir un permis de séjour une fois qu’ils auraient atteint l’âge de la majorité[48], puis réussir ensuite à faire venir de leur pays d’origine les membres de leur famille et se regrouper tous en Espagne.

Le profil particulier des enfants non accompagnés à Melilla et à Ceuta pose un défi au système de tutelle en Espagne, ce dont les autorités espagnoles sont conscientes. L’un des moyens de le relever est d’intensifier les efforts en vue de la réintégration de ces enfants dans leur famille et leur pays d’origine. Toutefois, les tentatives de rapatriement d’enfants non accompagnés ont souvent échoué en pratique pour diverses raisons, principalement à cause du manque de coopération internationale de la part des pays d’origine des enfants et des difficultés à établir avec certitude les liens familiaux. Tout en reconnaissant les problèmes spécifiques que pose ce type de migration irrégulière, il convient de veiller à ce que chaque enfant non accompagné arrivant en Espagne ait automatiquement accès au système de protection de l’enfance et fasse l’objet d’une évaluation immédiate de ses besoins, en établissant quel est son intérêt supérieur et en dressant un plan éducatif et de développement adapté.

8.4. Passage à l’âge adulte

Lorsque les enfants non accompagnés atteignent l’âge de 18 ans, on leur remet un permis de séjour délivré par le délégué ou le sous-délégué du gouvernement. Les permis de travail sont délivrés en priorité par la même autorité uniquement lorsque les autorités régionales en font la demande en même temps que le permis de séjour. Les autorités régionales de Valence nous ont indiqué que le processus de délivrance des permis de séjour aux enfants non accompagnés est parfois assez lent, ce qui allonge la durée du séjour de certains étrangers dans les centres de protection de l’enfance. En Andalousie aussi, des ONG nous ont indiqué qu’il arrive que des enfants non accompagnés, proche de la majorité,  n’obtiennent pas de permis de séjour, ce qui les expose à une procédure d’expulsion et, potentiellement, au placement en rétention. De même à Valence, les enfants non accompagnés apatrides ne reçoivent pas toujours un permis de séjour, ce qui les laisse dans une situation incertaine.

D’une manière générale, une fois sortis du système de tutelle, les jeunes migrants reçoivent très peu d’aide pour construire leur vie de façon autonome en Espagne. À Valence par exemple, on leur offre uniquement des cours d’espagnol et aucun autre type de soutien. Lors des entretiens que nous avons eus avec des enfants à Ceuta, nous avons appris qu’outre un permis de séjour, à l’âge de la majorité, on leur remet un livret de santé, une attestation de scolarité et, si leur comportement à l’intérieur du centre pour enfants a été jugé positif, un billet de ferry pour se rendre en Espagne continentale. ÀMálaga, on nous a indiqué qu’aucune mesure n’est en place pour aider les jeunes migrants lorsqu’ils sortent du système de tutelle, par exemple en matière de logement ou d’insertion sur le marché de l’emploi. Ces jeunes sont par conséquent exposés au risque d’être obligés de vivre dans la misère dans la rue, d’être exploités ou d’être impliqués dans des activités criminelles. Il est donc nécessaire de mettre en place des mesures d’aide pour les jeunes migrants de plus de 18 ans afin de faciliter leur développement, leur accès à un logement et à des services essentiels, en particulier de type alimentaire ou médical, leur entrée sur le marché de l’emploi ainsi que leur intégration sociale et leurs « projets de vie ».[49]

9. QUESTION D’INTÉGRATION
9.1. Demandeurs d’asile et réfugiés

Une fois que leur demande est déclarée recevable par l’OAR, les demandeurs d’asile obtiennent un document couramment appelé « carte rouge » qui atteste de leur statut de demandeurs d’asile et leur permet de travailler. Après six mois d’hébergement dans un CAR ou un centre géré par une ONG, les demandeurs d’asile et les personnes bénéficiant de la protection internationale sont logés dans des appartements subventionnés par le ministère du Travail et de la Sécurité sociale pendant un an et demi maximum[50]. Le ministère prend aussi en charge leurs frais de subsistance pendant cette période, souvent par le biais d’accords spécifiques avec des ONG comme la Croix-Rouge et l’ACCEM. À l’issue de cette période, les réfugiés peuvent, en cas de chômage, recevoir des prestations sociales comme tout citoyen espagnol. À Málaga, nous avons appris qu’en l’absence des aides requises de l’État, le conseil municipal a dû acquérir, en puisant dans les recettes tirées des impôts locaux, des appartements pour loger environ 660 réfugiés réinstallés en Espagne depuis la Grèce et l’Italie. Le conseil municipal de Málaga a aussi financé les allocations sociales auxquelles ces réfugiés avaient droit et qui devraient être finances par les fonds du gouvernement central.

Un certain nombre de demandeurs d’asile dont les entretiens sont prévus des mois après leur arrivée (voir plus haut section 4.3) sont laissés en dehors du système d’accueil et de soutien. Des ONG nous ont informés que beaucoup d’entre eux vivent dans la misère, sans aucun accès aux services de santé, et sont susceptibles d’exploitation sur le marché du travail. Lesautorités espagnoles devraient donc prendre des mesures pour faire en sorte que les personnes enregistrées en vue d’un entretien de demande d’asile aient également accès aux CAR et au système de santé.

Les demandeurs d’asile et les réfugiés ont le droit de travailler mais, en pratique, ils ont beaucoup de mal à trouver un emploi en raison principalement de la situation générale de l’emploi en Espagne. Néanmoins, nous avons été impressionnés par le soutien apporté aux réfugiés par le conseil municipal de Málaga qui a établi des partenariats avec 230 entreprises locales environ pour faciliter la formation des réfugiés à différentes compétences professionnelles ainsi que leur emploi ultérieur. Nous attendons avec intérêt de recevoir des informations supplémentaires sur le résultat de ces partenariats lorsqu’ils commenceront à être mis en œuvre. 

9.2. État de santé des migrants en situation irrégulière

Il n’existe pas de données actualisées fiables sur le nombre et les flux de migrants en situation irrégulière en Espagne. En 2012, dans le cadre de la mise en œuvre de la réforme du système national de santé espagnol[51] excluant les migrants sans permis de séjour de l’accès aux services de santé, le gouvernement espagnol a estimé qu’au 1er septembre 2012, 873 000 cartes de santé avaient été retirées de la circulation. Environ 500 000 de ces cartes appartenaient à des personnes ayant quitté le pays, 160 000 appartenaient à des migrants en situation irrégulière et 200 000 à des ressortissants de l’UE n’ayant plus droit d’accès au système de santé en vertu de la nouvelle réglementation[52]. Depuis cette réforme, les migrants en situation irrégulière ne peuvent accéder aux soins que dans certains cas exceptionnels, notamment aux soins d’urgence en cas de maladie grave ou d’accident. Les femmes pendant la grossesse, l’accouchement et la période postnatale et les enfants de moins de 18 ans ont également accès aux services de soins.

Plusieurs régions autonomes, dont l’Andalousie, ont refusé de mettre en œuvre la réforme de 2012 ou ne l’ont appliquée que partiellement ou en y introduisant certaines exceptions, comme Valence et Madrid, ce qui fait que la protection sociale des migrants en situation irrégulière est inégale dans le pays. Les conséquences négatives de la réforme pour l’accès des migrants au système de santé suscitent de graves inquiétudes en raison d’une détérioration de l’état de santé des migrants en situation irrégulière dont le taux de mortalité, en particulier, aurait, d’après les estimations, augmenté de 15 % environ[53].

Il convient de noter cependant que, selon certaines informations récentes, le Gouvernement espagnol prévoirait de rétablir l’accès des migrants sans papiers au système de santé[54]. Cette décision serait bienvenue et ouvrirait la voie à l’application des recommandations des organes internationaux invitant l’Espagne à évaluer de manière approfondie les effets de la mise en œuvre de la réforme du système de santé de 2012 et à prendre les mesures nécessaires pour garantir la disponibilité, l’accessibilité et le caractère économiquement abordable des services de santé pour les migrants en situation irrégulière[55]. Le Conseil de l’Europe pourrait apporter à cet égard son expertise en matière de droits de l’homme dans le cadre de mesures de suivi pour que les migrants en situation irrégulière aient accès à tous les services de santé nécessaires sans aucune discrimination, dans le plein respect de la Charte sociale européenne.

9.3. Emploi

Pendant le premier trimestre 2018, le taux de chômage atteignait 24,2 % parmi les étrangers et 15,7 % parmi la population espagnole[56]. La situation des migrants en matière d’emploi varie d’une région à l’autre. Dans la Communauté de Madrid, région à l’économie solide, 71 % des étrangers occupaient un emploi en 2016. Le taux de chômage de cette année (13 %) représentait moins de la moitié de celui de 2013 (30,7 %)[57]. Selon le marché du travail propre à chaque région, les migrants travaillent dans le secteur du tourisme, du bâtiment et du commerce de détail ou pratiquent des métiers comme celui de ferrailleur. Les femmes, en particulier les femmes originaires d’Amérique latine, travaillent comme femmes de ménage chez des particuliers. Les migrants en situation irrégulière travaillent principalement dans le secteur agricole et dans celui du tourisme, souvent sans aucun contrat de travail, ce qui les expose au risque d’exploitation. Les autorités espagnoles devraient donc mettre en œuvre sans plus attendre les recommandations du GRETA leur demandant d’intensifier leurs efforts pour prévenir la traite des êtres humains aux fins d’exploitation des travailleurs migrants par le travail[58].

Certaines autorités locales déterminées à améliorer la situation des migrants en situation irrégulière et à faciliter leur intégration sociale et culturelle au sein de la population locale ont pris des mesures concrètes pour régulariser leur situation. À Málaga où, selon les estimations, 10 % des migrants sont sans papiers, le conseil municipal prend fréquemment contact avec des entreprises afin de faciliter l’obtention d’un contrat de travail par ces migrants, ce qui constitue le premier pas en vue de leur régularisation. Le ministère du Travail et de la Sécurité sociale nous a indiqué qu’en 2017, 31 000 migrants en situation irrégulière étaient parvenus à régulariser leur situation en Espagne, le plus souvent sur la base d’un contrat de travail ou de liens familiaux. Les autorités espagnoles devraient poursuivre et intensifier leurs efforts pour ouvrir aux migrants en situation irrégulière des possibilités d’accès à l’obtention d’un statut légal, en s’appuyant sur l’expérience positive des années 2000-2005, période pendant laquelle 994 574 étrangers ont été régularisés en Espagne[59].

9.4. Intégration sociale et culturelle

Comme nombre d’autres aspects abordés dans ce rapport, le niveau d’intégration sociale et culturelle des migrants et des réfugiés varie selon les régions en Espagne. Différents facteurs expliquent cette situation mais, au cours de notre visite, nous avons observé une certaine déconnexion et même parfois une absence de coopération en ce domaine entre les autorités centrales, d’une part, et les autorités régionales et locales, d’autre part. Comme l’a souligné l’ECRI, l’adoption d’une stratégie d’intégration cohérente est essentielle en Espagne, car il importe que les autorités compétentes au niveau central, régional et local coopèrent sur tout le territoire national afin d’obtenir des bons résultats pour l’ensemble des migrants[60].

Les bonnes pratiques susceptibles d’offrir une base solide à une telle approche stratégique ne manquent pas. Le conseil municipal de Málaga, par exemple, investit dans des projets de logement pour étrangers et finance des appartements dispersés dans différents quartiers de la ville afin de promouvoir l’intégration des étrangers au sein de la population espagnole. Dans le cadre des mesures visant à prévenir la radicalisation, il soutient aussi 25 associations culturelles, mène des activités de sensibilisation dans les écoles au sujet de l’accueil et de l’intégration sociale des jeunes migrants, et organise et facilite l’accès des enfants et des jeunes migrants aux activités culturelles et sportives ainsi qu’aux festivités locales.

La Communauté de Madrid a mis en place huit centres pour la participation et l’intégration (CEPI), ce qui constitue un cas unique en Espagne. Ces centres sont des lieux de rencontre entre étrangers – y compris des migrants en situation irrégulière – et Espagnols et permettent d’avoir accès à des cours d’espagnol, à une préparation à l’obtention de la nationalité espagnole, à divers programmes culturels et activités sportives, et à des services d’aide psychosociale, de conseil juridique et d’aide à la recherche d’un emploi. Ces centres sont parrainés par l’État et gérés par des organisations à but non lucratif[61]. Nous avons visité le CEPI de Chamartín et avons été très favorablement impressionnés par l’engagement du personnel de ce centre en faveur de la cohésion sociale, de l’égalité des chances pour les migrants et de la prise en compte des questions d’égalité entre les sexes dans toutes ses activités. En s’appuyant sur les bonnes pratiques des CEPI, les autorités espagnoles devraient prendre des dispositions dans les autres régions pour garantir l’accès des migrants à l’égalité des chances en matière d’insertion sociale.

10. CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

Le cas de l’Espagne illustre tout particulièrement les pressions migratoires qui continuent à s’exercer sur les États situés aux frontières extérieures de l’Europe. Pour tenter d’enrayer les flux migratoires irréguliers, l’Espagne a adopté toute une série de mesures et de politiques visant à restreindre l’accès à son territoire, contenir les arrivées à travers ses frontières terrestres situées sur le continent africain, dans les villes autonomes de Melilla et de Ceuta, et renvoyer les migrants en situation irrégulière dans leurs pays d’origine. Ces mesures et ces politiques se fondent toutes sur une approche dissuasive de l’immigration irrégulière, qui s’efforce d’agir sur les facteurs d’incitation à ce type d’immigration. Certaines des politiques analysées dans ce rapport se sont traduites par un accès inégal aux droits et un traitement différencié des demandeurs d’asile et des migrants dans différentes régions du pays, notamment sous l’angle de l’accès à la protection internationale, des conditions d’accueil et de l’accès aux droits économiques et sociaux. Cela est le cas en particulier à Melilla et à Ceuta où les conditions d’accueil et d’hébergement des enfants non accompagnés et des adultes contrastent très fortement avec les normes appliquées dans d’autres régions du pays.

Bien que les formes d’intervention des pouvoirs publics décrites dans ce rapport aient permis de réduire le nombre des arrivants, il est peu probable que les facteurs à l’origine des migrations mixtes en direction de l’Espagne et les demandes d’entrée sur le territoire espagnol diminuent dans un avenir proche. Il est par conséquent nécessaire que l’Espagne poursuive un ensemble de politiques intégrées aptes à assurer le contrôle des frontières en tenant compte des questions de protection des migrants, à offrir aux réfugiés une protection humanitaire adéquate et des possibilités d’insertion sociale, et à garantir le retour rapide des personnes qui ne présentent pas des motifs valides de protection.

Pour relever les défis spécifiques identifiés dans ce rapport, le Conseil de l’Europe est prêt à apporter aux autorités espagnoles, à leur demande, une aide dans les domaines suivants :

  1. améliorer l’accès à la protection internationale :

–          en offrant, sur la base des normes du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme, notamment les articles 2, 3 et 13 de la CEDH et l’article 4 du Protocole no 4 à la CEDH, une expertise concernant la détection et l’identification des personnes nécessitant une protection internationale et leur accès à des procédures d’asile équitables et efficaces, afin que chaque étranger ait la possibilité d’introduire une demande d’asile à Melilla et à Ceuta ;

–          en formant la Guardia Civil et la police nationale aux moyens d’assurer le plein respect du principe de non-refoulement, l’accès aux procédures d’asile, l’identification des victimes éventuelles de la traite des êtres humains et l’orientation de ces victimes vers les services d’aide compétents ;

–          en formant le personnel de l’OAR aux normes pertinentes du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme afin de résorber l’arriéré des demandes d’asile et de garantir leur traitement efficace en temps opportun ;

–          en continuant la formation des juges, procureurs et avocats sur les questions d’asile sur la base de la coopération actuelle dans le cadre du Programme européen de formation aux droits de l’homme pour les professionnels du droit (HELP) en mettant l’accent sur les droits des enfants migrants et refugiés ;

  1. assurer des conditions d’hébergement et de vie adéquates aux demandeurs d’asile et aux migrants à Melilla et à Ceuta, en particulier les enfants non accompagnés, en encourageant le dialogue entre les autorités espagnoles et la Banque de développement du Conseil de l’Europeafin d’explorer des moyens possibles de financement des projets ;
  2. renforcer la protection des enfants non accompagnés par l’échange de bonnes pratiques de protection des droits de l’enfant dans le cadre des procédures de détermination de l’âge, notamment eu égard à la présomption de minorité, la garantie du droit d’être entendu et du droit à l’aide juridique, et par le biais de formation des procureurs compétents aux normes pertinentes du Conseil de l’Europe ;
  3. mettre en place pour les enfants non accompagnés qui s’acheminent vers l’âge adulte des mesures de soutien reposant sur l’échange de bonnes pratiques sur la promotion de
    l’intégration économique, sociale et culturelle dans la société espagnole de ces personnes ;
  4. mettre en œuvre les recommandations pertinentes du GRETA, notamment en ce qui concerne la détection et la prévention de la traite des êtres humains parmi les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière, dans le cadre des mesures de contrôle des frontières, dans les CETI et les CIE, ainsi que la prévention de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation par le travail ;
  5. adapter le cadre juridique relatif à l’accès aux soins de santé des migrants en situation irrégulière en s’appuyant sur l’expertise découlant de la Charte sociale européenne, afin de garantir l’accès des migrants à l’ensemble des services de santé nécessaires, sans aucune discrimination ;
  6. développer une stratégie et un plan d’action cohérents en vue de l’intégration des migrants et mettre en place un système cohérent d’indicateurs de l’intégration et d’évaluation des politiques d’intégration, comme recommandé par l’ECRI, en s’appuyant sur l’échange de bonnes pratiques et la fourniture d’expertise via le réseau « Cités interculturelles ».

[1] Nous n’avons pu malheureusement rencontrer le maire de Madrid.

[2] Amnesty International, Croix-Rouge, CEAR, ACCEM, Red Acoge, Karibu, ONG Rescate Internacional, Servicio Jesuita a Migrantes, Fundacion CEPAIM, Médicos del Mundo, Save the Children, Pro Vivienda, Merced Migraciones, Womens’ Link International, Barreau de Málaga.

[3] Rapport de la mission d’information effectuée en Bulgarie par l’Ambassadeur Tomáš Boček, Représentant spécial du Secrétaire Général sur les migrations et les réfugiés du 13 au 17 novembre 2017, SG/INF(2018)18.

[4] Voir Hirsi Jamaa et autres c. l’Italie, requête no 27765/09, 23 février 2012, paragraphe 131. La Cour a estimé qu’au moment d’éloigner les requérants, les autorités italiennes savaient ou devraient savoir que ceux-ci en tant que migrants irréguliers seraient exposés en Libye à des traitements contraires à la Convention et qu’ils ne pourraient accéder à aucune forme de protection dans ce pays. Voir aussi Règlement (UE) no 1052/2013 du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2013 portant création du système européen de surveillance des frontières (Eurosur), notamment l’article 20.5. qui dispose : « Tout échange d’informations au titre du paragraphe 1 à la suite duquel des informations sont fournies à un pays tiers qui pourraient être utilisées pour identifier des personnes ou des groupes de personnes dont la demande d’accès à la protection internationale est en cours d’examen ou qui encourent un risque sérieux d’être victimes d’actes de torture, de peines ou traitements inhumains ou dégradants ou de toute autre violation des droits fondamentaux, est interdit ».

[5] Les dispositions en question ont été introduites par une modification de la loi relative aux étrangers qui établit des règles spéciales sur l’interception et la déportation des migrants qui arrivent à Ceuta et Melilla. Cette modification est entrée en vigueur le 1er avril 2015.

[6] N.D. et N.T. c. l’Espagne, nos 8675/15 et 8697/15, 3 octobre 2017. Dans cette affaire, en ce qui concerne le grief des requérants tiré d’une violation alléguée de l’article 3  de la CEDH, la Cour a estimé que, à la lumière des principes dégagés par la jurisprudence des organes de la CEDH et sans aucunement préjuger la situation de risque de mauvais traitements généralisés invoquée par les requérants, rien dans le dossier ne permet de déceler une quelconque apparence de violation par les autorités espagnoles de la disposition citée de la CEDH (Décision de la Chambre du 7 juillet 2015). La Cour a rejeté ce grief comme étant manifestement mal fondé ainsi que le grief tiré de l’article 13 de la CEDH.

[7] L’audience devant la Grande Chambre de la Cour est prévue pour le 26 septembre 2018.

[8]Voir, en particulier, Soering c. Royaume-Uni, requête no14038/88, 7 juillet 1989 ; Cruz Varas et autres c. Suède, requête no15576/89, 20 mars 1991 ; Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni, requêtes nos13163/87, 13164/87, 13165/87, 13447/87 et 13448/87, 30 octobre 1991 ; Ahmed c. Autriche, requête no25964/94, 17 décembre 1996 ; Hirsi Jamaa et autres c. Italie, requête no 27765/09, 23 février 2012.

[9] Intervention du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en qualité de tierce partie, au titre de l’article 36, paragraphe 3, de la Convention européenne des droits de l’homme, requêtes nos 8675/15 et 8697/15, N.D. c. Espagne et N.T. c. Espagne, CommDH(2018)11.

[10] Rapport au Gouvernement espagnol sur la visite effectuée en Espagne par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 14 au 18 juillet 2014, CPT/Inf(2015)19.

[11] Déclaration du HCR du 13 mars 2015, http://acnur.es/noticias/noticias-de-espana/2062-2015-03-13-15-41-22.

[12] Lors des entretiens avec les demandeurs d’asile, les autorités espagnoles ont constaté qu’un nombre élevé d’entre eux étaient détenteurs de faux passeports marocains avec lesquels ils avaient réussi à pénétrer sur le territoire espagnol.

[13] Le délai prévu pour décider de la recevabilité d’une demande d’asile est de 72 heures. Aux termes des articles 20(1) et 21(2)(b) de la loi sur l’asile, une demande peut être déclarée irrecevable si la responsabilité en incombe à un autre pays au titre du Règlement de Dublin ou si le demandeur a été reconnu comme réfugié et peut obtenir une protection dans un autre État membre de l’UE, s’il provient d’un pays tiers sûr, s’il a déposé des demandes répétées en présentant des données d’identification différentes ou en ne fournissant aucune information pertinente nouvelle au sujet de sa situation personnelle ou de la situation dans son pays d’origine, si les faits qu’il décrit sont sans pertinence au regard de l’obtention du statut de réfugié, ou si ses déclarations sont incohérentes, contradictoires ou contraires à des informations suffisamment fiables concernant son pays d’origine ou de résidence habituelle, d’une manière montrant clairement que la demande est non fondée s’agissant de la crainte justifiée d’être persécuté ou de subir des atteintes graves.

[14] Lorsque l’OAR juge une demande irrecevable, une demande de réexamen avec effet suspensif automatique peut être déposée auprès de l’Office. En cas de nouvelle décision d’irrecevabilité, un recours – sans effet suspensif automatique– peut être déposé auprès du tribunal administratif. Voir aussi la Communication des autorités espagnoles dans l’affaire A.C. et autres c. l’Espagne (requête no 6528/11) DH-DD(2018)285-rev, 16.05.2018.

[15] Une procédure de recevabilité identique est appliquée à tous les demandeurs d’asile qui cherchent à obtenir la protection internationale aux aéroports, aux ports de mer et aux frontières terrestres.

[16] Intervention du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe en qualité de tierce partie, au titre de l’article 36, paragraphe 3, de la Convention européenne des droits de l’homme, requêtes nos 8675/15 et 8697/15, N.D. c. Espagne et N.T. c. Espagne, CommDH(2018)11, paragraphe 22. Rapport de l’ECRI sur l’Espagne (cinquième cycle de monitoring), 27 février 2018, CRI(2018)2, paragraphe 81.

[17] Des milliers de Marocains des régions voisines des villes autonomes de Melilla et de Ceuta entrent pour la journée sur le territoire espagnol afin d’exercer des activités commerciales.

[18] GRETA(2018)42, Rapport concernant la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains par l’Espagne, publié le 20 juin 2018.

[19] Les motifs d’irrecevabilité sont les mêmes que ceux prévus pour les demandes d’asile déposés à la frontière ; voir plus haut section 4.1.

[20] Selon eux, les migrants placés en rétention déposeraient généralement une demande d’asile 24 heures avant la date de leur expulsion, alors qu’ils auraient eu largement le temps de le faire auparavant, et feraient preuve d’incohérence dans la description des motifs justifiant l’octroi de la protection internationale.

[21] Nous avons cru comprendre que ces migrants espéraient que les procédures d’expulsion n’aboutissent pas et par conséquence d’être mis en liberté à la fin de la période maximale de rétention de 60 jours.

[22] Spanish Ombudsman, A study of asylum in Spain: International protection and reception system resources, juin 2016.

[23] Les demandes d’asile déposées auprès les centres de séjour temporaire pour migrants à Melilla et Ceuta sont examinés selon la procédure régulière.

[24] Au bout de 72 heures, ils sont transférés dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile ou bien dans un centre de rétention dans l’attente de leur expulsion.

[25] Plusieurs services du ministère de l’Intérieur s’occupant des affaires intérieures et des affaires étrangères, de la justice, de l’immigration, de l’accueil des demandeurs d’asile et de l’égalité de traitement sont représentés au sein de cette commission.

[26] Voir aussi Médiateur espagnol, A study of asylum in Spain : International protection and reception system resources, juin 2016.

[27] Les demandeurs d’asile et les migrants ne peuvent sortir des CETI entre 23 h 30 et 7 h 30 à Melilla et entre 23 heures et 7 heures à Ceuta.

[28] Au moment de notre visite, le CETI de Melilla, prévu pour accueillir 782 personnes, en hébergeait 794. Le CETI de Ceuta, prévu pour accueillir 515 personnes, en hébergeait 550. À Melilla, la majorité des demandeurs d’asile étaient des Syriens (259) ; les autres personnes hébergées dans le centre étaient des migrants en situation irrégulière provenant de pays d’Afrique (Algérie, Cameroun, Mauritanie et Comores). À Ceuta, il y avait seulement 137 demandeurs d’asile ; les autres personnes hébergées dans le centre étaient des migrants en situation irrégulière  provenaient de pays d’Afrique (Guinée, Algérie et Cameroun).

[29] GRETA(2018)42, Rapport concernant la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains par l’Espagne, publié le 20 juin 2018.

[30] En principe, les demandeurs d’asile qui déposent leur demande lorsqu’ils sont placés en rétention dans l’attente de leur expulsion (voir plus haut section 4.2) doivent être hébergés dans un CAR ou dans un centre d’accueil géré par une ONG lorsqu’ils sortent de rétention. Les demandeurs d’asile qui ont été transférés depuis les CETI de Melilla et de Ceuta sont aussi hébergés dans ces centres.

[31] Les demandeurs d’asile syriens et érythréens étaient arrivés en Espagne via les programmes de réinstallation de l’UE.

[32] Bien que faisant partie de la zone Schengen, l’Espagne procède à l’identification et au contrôle frontalier des personnes entrées sur le territoire espagnol à Ceuta ou à Melilla qui souhaitent se rendre en Espagne continentale, conformément à la déclaration effectuée lors de l’adhésion à l’accord de Schengen.

[33] Lorsque les membres d’une même famille arrivent séparément, ils ne peuvent être transférés en Espagne continentale qu’après leur réunion dans un CETI. Cela peut prendre beaucoup de temps car il est nécessaire d’effectuer des tests génétiques pour établir les liens familiaux, notamment entre enfants et parents.

[34] Articles 53 et 54 de la loi relative aux étrangers.

[35] Article 60.1.

[36] En novembre 2017, par exemple, des enfants accompagnés et non accompagnés ont été placés dans la prison d’Archidona en Andalousie en compagnie d’adultes avec lesquels ils n’avaient aucun lien de parenté. Nous avons également été informés d’un cas récent de détention d’une fille de 14 ans en Andalousie, quelques mois avant notre visite.

[37] Voir le Rapport au Gouvernement espagnol relatif à la visite effectue en Espagne par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 31 mai au 13 juin 2011, CPT/Inf(2013)6. Voir aussi le Rapport au Gouvernement espagnol relatif à la visite effectue en Espagne par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 14 au 18 juillet 2014, CPT/Inf(2015)19.

[38] Le CPT a constaté dans son rapport CPT/Inf(2015)19 que dans le CIE d’Aluche il y avait des loisirs et des cours de la langue espagnole. Le CPT a toutefois noté qu’il faudrait multiplier les activités offertes dans ce CIE.

[39] Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants, Fiche thématique sur la rétention des migrants, CPT/Inf(2017)3, mars 2017

[40] Ibid.

[41] Les enfants qui arrivent en compagnie d’adultes sont placés dans un CETI. Quand le lien de parenté d’un enfant avec les adultes qui l’accompagnent n’est pas prouvé, des tests génétiques sont effectués. Si ces tests ne confirment pas le lien de parenté, l’enfant est transféré du CETI vers un établissement spécial de protection de l’enfance à Melilla ou à Ceuta.

[42] Ce règlement-cadre a été émis conjointement par le ministère de la Justice, le ministère de l’Intérieur, le ministère du Travail et de la Sécurité sociale, le ministère de la Santé, des Services sociaux et de l’Égalité, le Bureau du Procureur général et le ministère des Affaires étrangères.

[43] L’ordonnance peut seulement être réexaminée d’office par un procureur ou bien à la demande d’une partie légitimement intéressée.

[44] Comité des droits de l’enfant de l’ONU, CRC/C/ESP/CO/5-6, Concluding observations on the combined 5th and 6th periodic reports of Spain, 2 février 2018.

[45] À Málaga, des avocats locaux nous ont déclaré que, dans nombre de cas, les médecins avaient fixé à exactement « 18 ans et un jour » l’âge des personnes qu’ils étaient chargés d’examiner.

[46] Documents soumis par la Fundación Raíces et Noves Vies en vue des 5e et 6e Rapports de mise en œuvre de la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant et de leurs Protocoles optionnels présentés par l’Espagne : http://www.fundacionraices.org/ wp-content/uploads/2018/01/Update-Alternative-Report.pdf.

[47] Nous n’avons pas donnes actualises sur le nombre de demande d’asile introduits par les enfants non accompagnés. Toutefois il convient de noter qu’entre 2011 et 2016 il y a eu que 101 demandes d’asiles introduits par les enfants non accompagnés. Le nombre d’enfants arrivés en Espagne en 2016 était 1674. Voir Aida country report on Spain, 21/03/2018 http://www.asylumineurope.org/reports/country/spain .

[48] Le permis de résidence est délivré par le délégué ou sous-délégué du gouvernement sur demande des autorités régionales lors du placement d’un enfant non accompagné dans un centre de protection de l’enfance. Le personnel administratif de ces centres conserve le permis de résidence et le remet aux enfants lorsque ceux-ci atteignent l’âge de 18 ans.

[49] Voir Recommandation CM/Rec(2007)9 du Comité des Ministres aux Etats membres sur les projets de vie en faveur des mineurs migrants non accompagnes et Recommandation CM/Rec(2008)4 du Comité des Ministres aux Etats membres relative à la promotion de l’intégration des enfants de migrants ou issus de l’immigration.

[50] La durée totale passée dans le système d’accueil des réfugiés est de 24 mois.

[51] Décret royal 16/2012 sur les mesures urgentes visant à assurer la viabilité du système national de santé, adopté le 24 avril 2012.

[52]Réseau européen de politique sociale, Flash Report 2016/39, juillet 2016,

ec.europa.eu/social/BlobServlet?docId=16003 &langId=en.

[53] Voir « Effect of health insurance on the mortality of undocumented immigrants : The case of the 2012 Spanish health reform », Arnau Juanmarti Mestres, Guillem Lopez Casanovas et Judit Vall Castell, 30 janvier 2018,

 https://editorialexpress.com/cgi-bin/ conference/download.cgi?db_name=ESPE2018&paper_id=135.

[54] Voir « Spain brings back free health care for illegal migrants », https://www.reuters.com/article/us-spain-politics-health/spain-brings-back-free-healthcare-for-illegal-migrants-idUSKBN1JB1PY.

[55] Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies (CESCR), Observations finales sur le sixième rapport périodique, E/C.12/ESP/CO/6, 25 avril 2018 ; Rapport de l’ECRI sur l’Espagne (cinquième cycle de monitoring), CRI(2018)2, 25 février 2018.

[56] Institut national de la statistique de l’Espagne, Communiqué de presse du 26 avril 2018, « Economically active population survey, First quarter of 2018 », EAPS 1q(1/16),

http://www.ine.es/en/daco/daco42/daco4211/epa0118_en.pdf.

[57] Données fournies par la Direction générale des services sociaux et de l’intégration sociale de la Communauté de Madrid.

[58] GRETA(2018)42, Rapport concernant la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains par l’Espagne, publié le 20 juin 2018. Les recommandations du GRETA portent notamment sur les mesures suivantes : tenir compte des risques de traite des êtres humains dans le secteur agricole ; revoir les systèmes de réglementation concernant les migrants qui travaillent dans la prestation de soins à domicile et veiller à ce que des inspections puissent être effectuées dans les domiciles privés ; et sensibiliser le grand public et les travailleurs migrants aux risques de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation par le travail.

[59] International Centre for Migration Policy Development, « Study on practices in the area of regularisation of illegally staying third-country nationals in the Member States of the EU », janvier 2009, JLS/B4/2007/05, https://ec.europa.eu/home-affairs/sites/homeaffairs/files/e-library/documents/policies/legal-migration/pdf/general/regine_appendix_a_january_2009_en.pdf.

[60] Rapport de l’ECRI sur l’Espagne (cinquième cycle de monitoring), CRI(2018)2, 25 février 2018.

[61] Les activités d’insertion sociale et dans l’emploi sont financées par le Fonds social européen.

Bericht des Europarats zu Ceuta und Melilla (März 2018)